Les dirigeants russes ont déjà tendance à voir partout des conspirations occidentales: la révolution orange, le printemps arabe, internet dans son ensemble. Aux yeux de Moscou, toutes ces choses sont des complots des États-Unis et de leurs alliés visant à s’assurer que l’ordre du monde ne protège que les valeurs occidentales et donc les intérêts occidentaux. Et nous leur donnons du grain à moudre en affirmant qu’internet est un samizdat —le système clandestin d’écrits dissidents au pouvoir soviétique— et que le Che Guevara du XXIe siècleest un réseau (ce qui est aussi antihistorique quand on connaît la violente antipathie qu’ont les États-Unis pour les objectifs de Guevara).
Internet est-il vraiment porteur de révolutions populaires? Peut-être. C’est compliqué. Il faut reconnaître que 2011 a débuté avec le printemps arabe qui a renversé les dirigeants en Tunisie et en Égypte, et s’est achevé à Moscou avec des manifestations de classes moyennes, organisées sur Facebook, qui protestaient contre la corruption électorale. Facebook n’a pas seulement facilité l’organisation des manifestations: en cette année de révoltes populaires, le réseau social a donné le sentiment à certains Russes qu’il s’agissait d’un mouvement mondial, qu’ils avaient leur chance. Ce fut un choc profond pour le gouvernement de Poutine. Dans l’esprit d’un ancien du KGB, les révoltes populaires spontanées n’existent pas. Dans son monde, le pouvoir est vertical. Il y a toujours quelqu’un qui tire les ficelles. L’État russe a donc choisi de marier son pessimisme existentiel à l’amour inconditionnel de l’Occident pour internet. Il fallait qu’internet soit mis au pas.
Source : Comment la Russie utilise internet pour affaiblir les démocraties occidentales | Slate.fr