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Le samedi culturel de politis.ch. Une manière aussi de donner un coup de projecteur aux travaux de Mirko Humbert que j’apprécie aussi pour la qualité de ses commentaires et de sa bienveillante attention au jour le jour.
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Peut-être le bon moment de s’attacher à l’espace chinois et les superbes cartes du cartographe.net vous y aideront à coup sûr. Au pire, leur qualité régaleront vos yeux. Que du win-win.
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« »La crise va être longue et pénible, alors restez calmes, focalisez-vous sur votre rentabilité et réduisez au maximum les dépenses inutiles ». Tels sont en substance les quelques conseils donnés ces derniers jours par les fonds Sequoia Capital (Google, Youtube, etc.) et Benchmark Capital (AOL, eBay, etc.) aux start-ups de leur portefeuille. […]»
Le jeu discret de la bourgeoisie (Musée suisse du Jeu)
Hier soir avait lieu le vernissage de l’exposition temporaire « Le jeu discret de la bourgeoisie. Deux siècles de culture ludique européenne » qui a lieu du 10 octobre au 22 février 2009 au Musée suisse du Jeu. A cette occasion, en tant que président de son Conseil de fondation, j’ai prononcé le discours suivant:
Mesdames et Messieurs les invités, Chers Amis,
C’est avec un immense plaisir que je vous souhaite la bienvenue en mon nom et surtout au nom du Conseil de Fondation du Musée suisse du Jeu au vernissage de l’exposition “Le jeu discret de la bourgeoisie. Deux siècles de culture ludique européenne”, mise sur pied par les collaborateurs/trices du Musée suisse du Jeu.
Un double ou un triple plaisir devrai-je dire.
Le premier plaisir réside dans l’événement premier qui a permis cette exposition: l’achat d’une importante collection de jeux appartenant jusqu’alors à la famille Fontanet. Un achat qui n’aurait pu voir le jour
– sans la renommée dont dispose aujourd’hui, grâce au labeur quotidien de nos collaborateurs, le Musée suisse du Jeu,
– sans l’opiniâtreté de notre directeur, Ulrich Schädler, transformé parfois pour l’occasion en démarcheur,
– sans la bienveillance de la famille Fontanet qui a su nous faire confiance et être patiente
– et, enfin, sans le soutien de sponsors qui nous ont permis de financer cet achat.
A tous ceux-ci je leur fait part de ma gratitude et de mes remerciements et je vous prie de bien vouloir en faire de même par vos applaudissements.
Le deuxième plaisir, c’est celui de pouvoir mettre une première fois en valeur une partie de la collection et d’en vous en faire profiter au travers d’une exposition qui, j’en suis sûr, vous ravira. Et comme vous n’en serez pas encore rassasiés, non seulement vous pourrez revenir, mais vous pourrez également participez à l’une des animations mises sur pied pendant la durée de l’exposition. Parmi celles-ci, j’en retiens plus particulièrement une, car elle joue sur la complémentarité et le développement des relations de notre musée avec des partenaires boélands: il s’agit des deux soirées d’initiation au bridge (et autres jeux de la bourgeoisie), organisées au Domaine de la Doges, dans une demeure qui vous enchantera et vous plongera l’espace d’une soirée dans un fascinant voyage au 19e siècle.
Mon troisième plaisir est un plaisir plus personnel et intellectuel et il est en relation avec le sujet même de cette exposition. En effet, le thème de l’exposition ouvre un nouveau champ de recherche et d’observation de cette sociabilité bourgeoise du 19e siècle qui joue alors à des jeux plus discrets que ceux qui s’étalent ces derniers temps dans la presse à la rubrique économique.
Jeune étudiant, je découvrais cet univers constitutif de la Suisse moderne, soit la réelle celle qui est à distinguer de la Suisse mythique en carton pâte inscrite dans nos livres d’histoire scolaire, lors d’un cours dispensé alors par le professeur Hans-Ulrich Jost. A cette occasion, j’y découvrais d’une part une vraie jubilation à faire de l’histoire suisse et, d’autre part, la manière dont la bourgeoisie inscrivait sa marque dans l’espace urbain helvétique en un enchaînement de nouveaux espaces sociaux tels que la promenade généralement érigée en lieu et place des remparts urbains, le Musée d’histoire naturelle et son jardin botanique, la bibliothèque et le théâtre municipal ou un casino transformé en lieu public.
Telle Alice au Pays des Merveilles nous traversons maintenant le miroir pour y observer une partie du décor qui, elle, n’était pas offerte au public. Malicieusement, cette exposition s’installe au sein du dernier espace urbain aristocratique de notre commune que la société bourgeoise tente au 18e et 19e siècle tout à la fois de supplanter et parfois d’imiter.
En investissant ce château devenu musée, c’est évidemment un monde mis à distance qui entre ici et, à la démarche de l’archéologue-muséographe, il convient certainement d’y associer la démarche de l’anthropologue ou de l’ethnologue pour, au-delà de la simple beauté des objets présentés, comprendre ce monde désormais disparu, car les élites d’aujourd’hui à la discrétion tant des espaces-privés que de celle de leurs richesses préfèrent désormais le clinquant des pages people de nos quotidiens dans un bling-bling assourdissant.
Autre temp, autres moeurs dit-on. Chaque époque est unique et plus que la recherche de la nostalgie, je vous invite plutôt à vous immerger dans la compréhension de cet univers-là.
Il me reste à vous remercier de votre présence et à vous souhaiter une excellente soirée.
Bonnemine et Ubu à la police cantonale vaudoise
La situation de la police cantonale vaudoise devient chaque jour un peu plus ubuesque. Le dernier épisode en date voit la conseillère d’Etat, Jacqueline de Quattro dire mardi à la presse qu’elle en a «marre» (dixit) des dissensions entre Eric Lehmann, chef de la police, et Alain Bergonzoli, chef de la gendarmerie, qu’elle les somme de s’entendre et qu’une délégation du Conseil d’Etat va auditionner les différentes personnes avant de prendre d’éventuelles sanctions.
Ubuesque et inquiétant parce que la politique du département de la sécurité semble se faire en fonction non seulement d’articles publiés par les médias, mais sur les bruits de couloir recueillis par ces médias. Le bruit de couloir subit ainsi une double transformation en accédant immédiatement au statut d’article de presse et de fait établi ce qui, de plus, semble suffire en lui-même pour déclencher une enquête administrative quasiment réalisée sous les yeux du public, dans une nouvelle déclinaison des «reality shows».
Ubuesque parce que dans les premiers rôles la parole est essentiellement donnée aux représentants des syndicats de policiers dont les propos sont cités sans que ces derniers ne fassent véritablement l’objet d’une mise en perspective de la part de journalistes, transformés en officine de communication pour les syndicats de gendarmes.
Ubuesque et «lessivant» parce que le Conseil d’Etat choisit de laver son linge sale en public, les médias se substituant aux relais institutionnels que sont le parlement ou la commission de gestion du Grand Conseil.
Ubuesque et dangereux parce que le comportement de ces garants de l’Etat de droit que sont les gendarmes est fort proche de la sédition et que personne ne semble s’en émouvoir.
Ubuesque et démissionnaire parce que la situation et le conflit existant entre les commandants Lehmann et Bergonzoli sont largement dus aux choix politiques opérés en leur temps par le Conseil d’Etat. Place donc à la recherche du bouc-émissaire plutôt qu’à l’analyse politique et structurelle de cette situation.
Plus inquiétante qu’ubuesque, en définitive, la communication réalisée ce mardi par le Conseil d’Etat s’apparente à un lynchage par anticipation de l’un ou l’autre —voire les deux (?)— des protagonistes.
Dangereux aussi parce que le scénario actuel ressemble furieusement à celui connu du côté de la police cantonale genevoise durant les années Ramseyer et Spoerri où les policiers cantonaux voulaient faire leur propre loi et n’être soumis qu’à eux-mêmes, oscillant entre autogestion incidente et arbitraire «légal».
Propos de crise (4)
Fragments discontinus de crise. Ecrits du bord de l’écran.
Le syndrome Marc Bloch
Evidemment cela devait arriver : via twitter, un lecteur me pose la question suivante: Comment un historien vit-il le fait de vivre un de ces moments historiques, une de ces ruptures?
Evidemment chaque historien aimerait être aussi brillant que ne le fut Marc Bloch et son Etrange défaite (juillet-septembre 1940):
«Pour pouvoir être vainqueurs, n’avions-nous pas, en tant que nation, trop pris l’habitude de nous contenter des connaissances incomplètes et d’idées insuffisamment lucides? Notre régime de gouvernement se fondait sur la participation des masses. Or, ce peuple auquel on remettait ainsi ses propres destinées et qui n’était pas, je crois, incapable, en lui-même, de choisir les voies droites, qu’avons-nous fait pour lui fournir ce minimum de renseignements nets et sûrs, sans lesquels aucune conduite rationnelle n’est possible? Rien en vérité»
Evidemment il n’y a que très peu de Marc Bloch… et beaucoup tâcherons.
Abolition de l’espace et mise à distance de l’événement
Depuis mon très modeste observatoire, je suis encore et toujours frappé par ce filtre qui se place entre les événements qui se déroulent à la fois quasiment en direct depuis juillet 2007 et notre attitude de spectateur —donc fortement passif.
A vrai dire, à la surface des choses, aucun changement apparent ne s’est produit dans mon quotidien. C’était la même chose en 1992 le lendemain du non à l’Espace Economique Européen. Une giffle, un choc. Pourtant pas de cataclysme immédiat, le soleil continuait de se lever le lendemain matin. Pourtant, lentement, imperceptiblement notre espace s’est rétréci et l’Espace des Européens s’est lui élargi. Un rétrécissement de notre espace mental en premier lieu. Il s’est juste à nouveau entrouvert un jour de décembre 2007.
Aujourd’hui, l’effet de la vitesse de transmission de l’information tout à la fois abolit l’espace et nous place en direct au coeur de l’événement, mais ce même effet nous met à distance par la perte des sens, des odeurs et de la matérialité de l’événement. In fine, non seulement nous nous retrouvons dans un remake permanent, mais en outre l’action est filmée au ralenti.
Sondefall helvétique et méthode Coué radicale
Au TJ (téléjournal), Droopy Broulis tient un discours rassurant sur une plus grande solidité helvétique. L’UBS devient un parangon de vertu pour avoir pris suffisamment tôt de douloureuses, mais salutaires, mesures d’assainissement. Globalement nous serions plus prudents et plus intelligents que les autres. A ce rythme dans 6 mois, Marcel Ospel sera canonisé par l’ASB (Association suisse des banquiers) et se verra accorder un nouveau super bonus. A tous les autres d’écoper le malus…
Dans ce même TJ, un peu plus tôt, Jacques Attali signalait que contrairement à 1929 les marchés sont globalisés et qu’il n’était nullement sûr que, si le bouchon maintenant le trou américain sautait, d’autres ne sauteraient pas ailleurs dans le monde. Son interview était un brillant mode d’emploi relativement à la situation actuelle remise en perspective par rapport à 1929.
Personnellement, ce que je sais ainsi que les historiens (sérieux) de cette période, c’est que la crise des années 1930 est arrivée certes plus tardivement en Suisse —par rapport à d’autres pays européens, mais qu’elle a duré plus longtemps que dans les autres pays. En clair, l’expérience des autres n’a nullement été mise à profit pour être mieux préparés ou éviter les erreurs commises par les autres. Evidemment nous avions d’abord apprêté les recettes de crise du libéralisme.
Soma planétaire
Impression d’être totalement anesthésié par les discours lénifiants prônant la confiance entendus d’un côté et paralysé par les discours d’apocalypse proférés par d’autres. Aucun des deux n’est convaincant. Tous les deux sont signes de crise. Comme dans les années 1930…
La population optimale est sur le modèle de l’iceberg: huit neuvièmes au-dessous de la ligne de flottaison, un neuvième au-dessus.
– Et ils sont heureux, au-dessous de la ligne de flottaison? En dépit de ce travail affreux?
– Ils ne le trouvent pas tel, eux. Au contraire, il leur plait. Il est léger, et d’une simplicité enfantine.
Pas d’effort excessif de l’esprit ni des muscles. Sept heures et demie d’un travail léger, nullement épuisant, et ensuite la ration de soma, les sports, la copulation sans restriction, et le Cinéma Sentant.
Que pourraient-ils demander de plus? »
(A. Huxley, Le meilleur des mondes)
Propos de crise (3)
Fragments discontinus de crise. Ecrits du bord de l’écran.
Cette fois-ci le plan de sauvetage de l’administration Bush a définitivement été torpillé par 2/3 des Républicains et 40% des Démocrates. Tout le monde naviguera désormais à vue en l’absence de barreur avec les Etats-Unis suspendus au résultat des élections présidentielles et l’Europe incapable de parler d’une seule voix. Ce sera l’heure du sauve-qui-peut général.
Coincé entre électoralisme et idéologie, le Congrès américain joue à la roulette russe avec six balles dans son chargeur. Plus spécifiquement et indubitablement, les Républicains jouent la politique du pire en espérant ainsi sauver leur peau… ou engloutir tout le monde à leur suite. Plus largement, l’impéritie bushienne dépasse la crise de fin de régime pour se transformer en crise-système.
Comme lu, cet événement équivaudrait à la chute du Mur de Berlin du capitalisme. Nous sommes bien loin de la fin de l’histoire affirmée par Fukuyama dans le prolongement de 1989. L’absence de contre-modèle et de contre-poids aurait-il laissé le système capitalisme made in America sans garde-fou pour finir par se broyer lui-même?
Diantre aussi que cela va être long avant le changement de président américain. Et pourquoi? Que restera-t-il entre les mains du futur président le jour de son investiture? L’élection américaine pourrait ainsi prendre la tournure du dérisoire absolu.