Joshua Yaffa, correspondant du New Yorker à Moscou et membre du think tank New America, écrit depuis des mois sur Donald Trump, Vladimir Poutine et le scandale des liens entre la campagne de Trump et la Russie, qui devient chaque jour de plus en plus intéressant. Il a récemment écrit sur la frustration de nombreux journalistes russes face à la couverture médiatique américaine de l’affaire russe, qui à leurs yeux exagère l’influence directe de Poutine sur divers aspects de leur société et présente l’intelligence des hommes et des femmes du Kremlin sous un jour bien plus favorable qu’il n’y a lieu.
Yaffa et Isaac Chotiner ont récemment eu une discussion sur ces sujets par Skype. Les extraits choisis offrent une compréhension du fonctionnement de la Russie de Poutine et un éclairage saisissant des relations entre D. Trump et la Russie («la collision d’escrocs de seconde zone et de parasites»).
Isaac Chotiner: Comment un peu plus de cinq années à Moscou ont-elles changé votre perspective de ce scandale?
Joshua Yaffa: […] ce qui me rapproche parfois de la perspective de mes collègues russes c’est que j’ai observé pendant plusieurs années le mode de fonctionnement de cet endroit–et quand je dis «cet endroit», je veux dire Poutine, le Kremlin, l’État russe. Et je vois que, même si l’aspiration à être un empêcheur mondial et machiavélique de tourner en rond, décidé à chambouler les projets les mieux conçus des États-Unis et de l’Occident en général ne lui est pas totalement étrangère, le plus souvent la réalité est que Poutine règne sur une machine assez dysfonctionnelle, quasi cassée et définitivement très corrompue, dépourvue des pouvoirs néfastes et tout-puissants d’une super-structure façon méchant de James Bond. […].
[…]
Alors est-ce que votre théorie de ce grand scandale est que le gouvernement russe essayait certaines choses pour semer le chaos dans les élections en espérant créer une pagaille sans vraiment de conséquences et, avec un peu de chance, que cela aiderait Trump, et qu’au final il a eu plus de bol qu’il n’en aurait jamais rêvé?
En gros c’est ça, oui. Je crois que même dans ses rêves les plus fous, Poutine n’aurait jamais pensé que les Américains seraient capables de s’infliger un truc pareil, et c’est pourtant ce qui est arrivé au final. Ce sont les électeurs américains qui ont porté Trump au pouvoir, pas les électeurs russes.
[…]
Dans ce cas, pourquoi tenter à ce point de faire pencher la balance?
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Ils voyaient la présidence Clinton comme une vraie menace, et tout ce qu’ils pouvaient faire pour l’affaiblir en chemin, jeter le doute sur son élection et, plus tard, sa présidence, aurait été accueilli favorablement. Et au-delà de l’idée d’affaiblir Clinton, je pense que le plus grand avantage qu’ils voyaient à une interférence dans les élections, quelle qu’en aurait été l’issue, était simplement d’affaiblir les institutions mêmes de la démocratie américaine, et ce faisant de semer le doute, l’incertitude et le chaos. Le simple fait de jeter de la boue sur les rouages du système démocratique américain ne pouvait être que positif pour la Russie, quel que soit le résultat des élections.
[…]
Est-ce que l’affaire Donald Trump Jr. a changé votre opinion sur le scandale?
Non, pas vraiment. Je n’ai jamais pensé qu’une collusion ou que quelque chose d’approchant était improbable ou impossible, donc le voir dans le détail n’a pas été un choc. […]. Même si ce n’était pas un grand complot du Kremlin pour faire élire Donald Trump, et que c’était juste la collision d’escrocs de seconde zone et de parasites, le fait est qu’ils se sont retrouvés emmêlés là-dedans et qu’ils semblent avoir des contacts haut placés ici, à Moscou. […]
[…]
Ce qui m’a attiré l’attention, et là je parle de la période d’avant WikiLeaks, c’est que quelqu’un puisse écrire dans un mail à Donald Trump Jr.: «Il s’agit évidemment d’informations de très haut niveau et très sensibles mais cela vient de Russie et c’est un soutien du gouvernement pour Monsieur Trump» sans que personne ne cille ni ne demande «Mais de quoi diable parlez-vous?»
Cela pose une question qui à mon sens s’applique à tout un pan de l’histoire, qui est que les réponses à certains de ces mystères se trouvent en Amérique, à l’intérieur de la dynamique de la campagne de Trump et de la famille Trump. Pourquoi Donald Trump Jr. s’est avéré un conspirateur aussi mauvais et raté sans la moindre intelligence de la manière dont se conduisent les sales affaires de la politique, c’est davantage une question pour Trump Jr. Pourquoi il n’a pas réagi à quelque chose qui aurait dû faire réagir n’importe quel politicien sain d’esprit, ou n’importe quel citoyen américain.
[…]
L’interview complet : «Poutine n’aurait jamais pensé que les Américains seraient capables de s’infliger un truc pareil» | Slate.fr
Vu d’Allemagne. La nouveauté Macron, symptôme d’une France à bout de souffle | Courrier international
L’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, quasi inconnu il y a peu, n’aurait pas pu se produire dans un pays en bonne santé, juge la SÜDDEUTSCHE ZEITUNG. Ce changement radical rappelle celui qui se déroule aux États-Unis.
« Il y a quelques années encore prévalait cette règle d’or : les démocraties vivaient du centre ; les fortes fluctuations à droite ou à gauche n’étaient pas de bon augure et aussi ne se produisaient-elles guère. Aujourd’hui, cette règle semble avoir disparu. La droite et la gauche sont des points cardinaux qui s’estompent en politique. En France, comme dans les autres démocraties occidentales, règnent le chic de la radicalité, le glamour du chef, la promesse du révolutionnaire. Dans le pire des cas, cette promesse vient sous la forme d’un Donald Trump ; dans le meilleur, elle porte le nom d’Emmanuel Macron.Oui, le président français a l’étoffe d’un chef populiste. Son ascension est extraordinaire. Il a créé un mouvement populaire en un rien de temps. Son arrivée à la présidence et son époustouflante victoire aux législatives ne tiennent qu’à sa personne. Et tout ce pouvoir accumulé si vite doit mettre la puce à l’oreille. Comment un jeune homme politique peut-il, quasiment du jour au lendemain, rassembler un pays derrière lui ? Un système politique qui fonctionne ne s’effondre pas ainsi. Pour saisir l’ampleur de la révolution française qui est en train de se dérouler sous Macron, imaginez un instant que la CDU [Union chrétienne-démocrate, centre droit] et le SPD [Parti social-démocrate, centre gauche] passent à la trappe en un seul cycle électoral. Il se pourrait que quelque chose ne tourne pas rond. »
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Source de l’image : Sur le cheval : “Syndicats”. Dessin de Tom, Pays-Bas.
Cent jours de dépression pour un Donald Trump presque avalé par le système
Drôle de célébration pour Donald Trump. Cent jours à peine après son investiture, le voilà adossé au mur et, s’il était sur un terrain de sport on serait bien obligé de constater que l’attaquant infatigable est devenu un défenseur qui semble presque dépassé par les actions d’un match dans lequel il n’a pas réussi à entrer. Il promettait de secouer le petit monde très protégé de Washington. Il annonçait une révolution. Il certifiait que tout irait vite et serait grandiose.
Le bouillonnant candidat a pourtant été rattrapé par le principe de réalité : aux États-Unis, l’homme le plus puissant du monde a droit à un beau bureau ovale dans une maison blanche, certes ; mais il n’a pas les clés du pouvoir et sa situation se révèle extrêmement fragile. Donald Trump l’a appris à ses dépens.
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De quoi la video d'Oskar Freysinger est-elle le signe ?
Après un silence assourdissant de près d’une semaine, Oskar Freysinger a décidé de s’exprimer au moyen d’une vidéo publiée sur Facebook. Au-delà de son contenu, il vaut la peine de s’interroger sur la signification d’une telle démarche.
En 2017, on retrouve chez Freysinger, cette même attitude à ne pas accepter la défaite que celle empruntée par son mentor Christoph Blocher en 2007. Des moyens comparables sont utilisés pour continuer à exister.
Si Christoph Blocher dispose de moyens suffisant pour sa TV Blocher, Oskar Freysinger s’est lui replié sur Facebook. Signe aussi d’une évolution des réseaux sociaux1.
Mais la « philosophie » est la même. Incapable de se remettre en cause ou d’accepter le verdict populaire, tous les deux choisissent de communiquer de manière univoque. Seules leur voix, leur vérité comptent. Aucun contradicteur ou aucune contradiction n’émarge avec un tel dispositif.
Si Christoph Blocher mime l’interview médiatique avec un porte-micro faisant office d’ersatz journalistique, Oskar Freysinger s’est dépouillé de ces oripeaux d’un journalisme honni2. Il joue aussi à sa manière à Donald Trump et ses tweets assassins.
Par sa vidéo, Oskar Freysinger manifeste également une forme de syndrome d’enfermement en se filmant retranché à domicile. C’est Fort Alamo. Il n’en ressortira symboliquement probablement plus.
Clap de fin ?
Crédit image : Olivier Maire/Keystone
États-Unis. L’enquête du FBI sur les liens avec Moscou se rapproche de Trump
Lundi, le FBI confirmait l’existence d’une enquête sur une éventuelle coopération des Russes avec l’équipe Trump en vue de la présidentielle 2016. Le président américain tente maintenant de se distancier de son ex-chef de campagne.
“Le FBI possède des renseignements qui indiquent que des proches du président Donald Trump ont communiqué avec des agents russes”, afin d’influer sur la campagne électorale de Hilllary Clinton, rapporte la chaîne américaine CNN qui se base sur les dires de responsables américains.
Ces documents – en cours d’analyse – pourraient prouver qu’une coordination entre les Russes et l’équipe de campagne de Trump a bel et bien eu lieu, poursuit CNN.
Comme le dit le premier commentateur de cet article du Courrier International :
Avant, l’idée d’une élection truquée par la Russie et d’une Maison blanche à la botte du Kremlin était bon pour les romans d’espionnage à deux balles. C’était avant…