Une extrême droite déjà au pouvoir dans certains pays d’Europe, et sur le point d’en conquérir d’autres. Des progressistes désemparés, convaincus de n’avoir pas eu totalement tort, mais ne sachant comment faire le tri entre erreurs stratégiques et perspectives d’avenir. On pourrait se croire en 2017. Pourtant, c’est la situation qu’Ernst Bloch (1885-1977) a sous les yeux en… 1935. A cette époque, le philosophe a une quarantaine d’années et déjà plusieurs livres à son actif. Il signe dans nombre de journaux, défend les avant-gardes, combat résolument le nazisme. Son singulier profil en combine plusieurs : marxiste hétérodoxe, esthète, visionnaire prophétique, écrivain flamboyant. En exil à Zurich, Bloch rassemble des textes épars sous le titre Héritage de ce temps. Le livre lui vaudra d’être déchu de la nationalité allemande, de trouver refuge aux Etats-Unis, où il rédigera son grand œuvre, Le Principe Espérance (Gallimard, 1991). Quatre-vingt-deux ans après sa parution, ce recueil réserve aux lecteurs bien des surprises. Roger-Pol Droit
KLINCKSIECK
Héritage de ce temps (Erbschaft dieser Zeit), d’Ernst Bloch, traduit de l’allemand et présenté par Jean Lacoste, Klincksieck, « Critique de la politique », 354 p., 25,50 €.
Source : http://www.lemonde.fr/livres/article/2017/01/19/thriller-essais-recit-quatre-conseils-de-lecture50650413260.html#TVMFgiKfA4W3fYVY.99
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Le web et les réseaux sociaux, de bons thermomètres de l’opinion politique
Si la web analytics (l’analyse d’audience des sites) et le social media monitoring (l’analyse des données des réseaux sociaux) sont pratiquées couramment pour les entreprises, ces approches demeurent balbutiantes à des fins d’analyse sociopolitique. Pourtant, des données des sites et réseaux sociopolitiques sont disponibles qui permettent d’analyser de façon documentée cette arène importante du débat politique aujourd’hui. Les études empiriques diversifiées menées depuis l’été 2016 mettent en évidence la faisabilité, la crédibilité et l’intérêt de ces approches.
L'article de The Conversation s'intéresse à deux exemples récents :
- la primaire française de la droite et du centre
- l'élection présidentielle autrichienne.
Pour comprendre l’enjeu du débat, il faut préciser que la communication sur les social media se mesure de trois façons : l’audience, l’activité et l’engagement1.
Tant dans le cas de la primaire de la droite que de l'élection présidentielle autrichienne, l'engagement (le nombre de «j'aime», de partage, de retweet et de commentaires) est, pour Antoine Bevort, auteur de l'article, est l'indicateur le plus significatif et annonçait soit l'importante progression de François Fillon à fin octobre-début novembre que la victoire d'Alexander Van der Bellen à la présidentielle autrichienne. Alors même dans le deuxième cas que l'audience des deux sites des candidats donnait l'avantage à Norbert Hofer.
Les résultats du premier tour de la primaire du Parti socialiste français du 22 janvier prochain fournira un nouvel exemple concret en la matière. Actuellement, dans la primaire du parti socialiste en cours, Benoît Hamon suscite le plus d’intérêt à la fois par le rang de son site et le nombre d’interactions suscitées sur les réseaux sociaux.
A suivre donc, mais pour Antoine Bevort, "les deux exemples précédents rendent cette hypothèse plus crédible que les prévisions des sondages."
A suivre donc avec intérêt.
L'article : Le web et les réseaux sociaux, de bons thermomètres de l’opinion politique
- Les outils utilisés pour les différentes mesures sont le programme Alexa pour les données des sites, et Semrush pour les données sur les réseaux numériques. Les données d’Alexa permettent de classer les sites politiques, tandis que le Social Media Tool de Semrush fournit des données détaillées sur les réseaux sociaux. ↩
Place du témoignage et place de l'histoire : Le Tournant, quand la gauche a cessé de rêver
Matthieu Tracol nous propose une très intéressante analyse fouillée du documentaire, diffusé le 29 octobre dernier, sur Public Sénat, et intitulé Le Tournant, quand la gauche a cessé de rêver. Outre les informations concernant la politique de la gauche française au pouvoir à partir de 1981, son analyse permet de replacer les rôle des témoignages dans un travail d’historien et les effets de l’absence d’une telle contextualisation historique dans un documentaire télévisuel.
Réalisé par les journalistes Tristan Dessert et Clément Lacombe, Le Tournant, quand la gauche a cessé de rêver est consacré au « tournant de la rigueur » de 1983 (la bande-annonce est ici). Le deuxième élément est une tribune de la sociologue Dominique Méda, publiée dans Le Monde en réaction à l’élection de Donald Trump, et dans laquelle elle fustige les multiples renoncements de la gauche de gouvernement (américaine, européenne et française) à ses combats historiques. De manière significative, les exemples qu’elle égrène à l’appui de sa démonstration commencent avec le tournant de 1983, lorsque la gauche accepta « de se soumettre à une Europe qui ne parvenait pas à devenir politique », et abandonna la défense de « l’intérêt du paradigme keynésien ».
Ces deux exemples montrent à quel point l’épisode de 1983 a été construit mémoriellement comme le moment d’un basculement politique majeur… et à quel point il fait l’objet de reconstructions a posteriori, et d’interprétations plaquées. Chacun à leur manière, le documentaire de Public Sénat et la tribune de Dominique Méda témoignent d’une telle cristallisation. Le « tournant » de 1983 fait décidément l’objet de toutes les attentions. Allons nous aussi y regarder de plus près.
Lire la suite : A PROPOS DU DOCUMENTAIRE TÉLÉVISÉ LE TOURNANT. QUAND LA GAUCHE A CESSÉ DE RÊVER
Fisheye : jeux de pouvoir entre photographie et politique (no 22)
Le magazine photo Fisheye consacre son dernier numéro aux jeux de pouvoir entre photographie et politique. Un excellent magazine et un excellent dossier/numéro.
La présentation du numéro :
2017 sera une année politique intense, entre l’élection d’un nouveau président de la République en mai prochain et celle de l’Assemblée nationale en juin. Une belle occasion pour examiner les relations entre photographes et hommes politiques qui s’affrontent régulièrement sur les questions de pouvoir de l’image et de l’image du pouvoir. Les regards d’une douzaine d’auteurs nous ont servi de guides dans cette enquête et nous ont conduits dans des rédactions, print et web, et sur les réseaux sociaux. Une façon de décrypter comment, de l’information à la propagande, les images tentent de prendre le pouvoir sur nos consciences.
Consulter le sommaire et certaines pages de cet excellent numéro : https://issuu.com/fisheye-magazine/docs/fe22_issuu
Le site du magazine pour s’y abonner : https://www.fisheyemagazine.fr/en-kiosque/#sommaire
Pour un populisme numérique (de gauche)
Un article fort intéressant d’Evgeny Morozov dans Le Monde diplomatique de décembre 2016 concernant nos données numériques.
À partir du constat suivant :
À l’heure actuelle, cinq compagnies américaines — le chinois Baidu étant le seul concurrent étranger digne de ce nom — ont déjà extrait, traité et digéré une grande partie des données mondiales. Cela leur a permis de développer un savoir-faire avancé en matière d’IA et de s’assurer ainsi la mainmise sur une part fondamentale de l’infrastructure numérique globale.
Deux stratégies ont été proposée.
Premièrement des démarches alternatives d’organisation coopératives :
Il est possible pour une coopérative de chauffeurs dans une petite ville d’élaborer une application qui les aide à déloger Uber au niveau local. En revanche, il est impossible pour cette même coopérative locale de construire une voiture qui se conduise seule : récolter et analyser toutes les données pour cela requiert des investissements massifs et une infrastructure dédiée. On peut aussi, bien sûr, créer des coopératives de propriété des données, mais il est peu probable qu’elles se développent au point de rivaliser avec Google ou Amazon.
La deuxième consisterait à démanteler les grandes firmes technologiques ou à réduire leur taille, mais
Dix mille start-up, dont chacune posséderait une part minuscule de l’empire de Google, ne seraient pas plus capables de produire une voiture qui se conduise seule.
Pour Evgeny Morozov, il n’existe à gauche qu’une seule alternative :
Le populisme économique du XXIe siècle ne peut plus reposer sur la rhétorique de l’amélioration de la concurrence. Un bien meilleur programme pour les populistes de gauche serait d’insister sur le fait que des données sont un bien essentiel, infrastructurel, qui devrait nous appartenir à tous ; elles ne devraient pas tomber entre les mains des sociétés. […] Au lieu de payer à Amazon un droit d’accès pour utiliser ses capacités en IA — élaborées à partir de nos données — nous devrions réclamer à Amazon de nous payer ce droit.
L’article : http://blog.mondediplo.net/2016-12-15-Pour-un-populisme-numerique-de-gauche