La torpeur estivale progressivement nous gagne. Les mauvais feuilletons de l’été sont programmés. En tête de liste, le feuilleton«Mais qui pour Couchepin» tient la corde. Mais bon, si c’est pour avoir du feuilleton, autant en lire du bon ou au moins de bons livres ou sujets de réflexion. D’où l’idée de mes lectures d’été.
Si à droite la lutte à mort pour le leadership entre dans une phase cruciale avec la succession de Pascal Couchepin, la gauche elle est largement chaos debout après les élections européennes. Qu’elle ait été au pouvoir ou dans l’opposition, que ses idées keynésiennes et le retour de l’Etat régulateur aient été repris par ceux qui ne cessaient de cracher dessus quelques mois avant, la baffe monumentale prise lors des élections européennes de 2009 laissera des traces profondes. Et en Suisse? Ben, plafonnant désespérément légèrement au-dessus des 30% au niveau national, elle n’a vraiment pas de quoi pavoiser.
Alors que ce soit en Suisse ou en Europe, quelques lectures d’été paraissent indispensable pour que l’automne étant venu, elle reprogramme son logiciel et construise une «machine à raconter» crédible.
Au début juillet, elle a pu compter sur l’aide d’Howard Dean, l’homme qui plus qu’Obama, a relancé la machine démocrate et lui a permis de triompher tant à la Maison Blanche qu’à la chambre des Représentants et du Sénat. Un tour de force qui tient en sept conseils dispensés aux socialistes français (Travaux publics):
- Reconnaître l’inefficacité du parti et le remobiliser
- «L’empowerment» militant
- Miser sur les nouvelles générations
- Des primaires allongées avec “vote préférentiel”
- Encadrer et réglementer la réconciliation qui devra avoir lieux avec les candidats battus dans les primaires (quelles contre-parties pour les équipes et sur le plan programmatique)
- Se soucier de son électorat
- Des valeurs plutôt qu’une plate-forme programmatique (sortir de la logique de confrontation, en s’appuyant sur des valeurs capables d’être entendues aussi bien par les ouvriers que par une partie de la droite, et non plus de changer de discours en fonction de l’auditoire» : bref, pratiquer le “biconceptualisme”)
Une petite voix me dit que c’est pas encore gagné chez nos amis français!
Pour Fehti Gharbi (Si j’étais un intellectuel occidental de gauche…), la solution ne peut venir que de l’Amérique du Sud:
Une lueur timide mais prometteuse pointe au ciel de l’ Amérique du Sud que ce soit sur le plan conceptuel ou sur le plan de la pratique sociale et politique. Malgré les sarcasmes de ses détracteurs, la gauche sud-américaine propose un socialisme de l’invention et non un socialisme de la compromission comme cela se passe en Europe. Pour un penseur comme Quijano, l’indépendance ne suffit pas si elle conserve les hiérarchies de pouvoir et de savoir. La décolonisation de l’esprit reste à faire… elle seule permettra d’échapper à l’emprise néo-coloniale.
Mais peut-être que la principale raison et la machine à raconter à remonter pour la gauche tient dans les valeurs et la philosophie du monde de l’Open Source (Le nouveau Socialisme: La société collectiviste globale) avec ses composantes centrales que sont
- le partage
- la coopération
- la collaboration
- le collectivisme
Mais attention néanmoins, il ne s’agit pas du socialisme de grand-papa:
«Mais on ne parle pas là du socialisme de votre grand-père. En fait, il existe une longue liste d’anciens mouvements qui n’ont rien à voir avec ce nouveau socialisme. Il ne s’agit pas de lutte des classes. Il ne s’agit pas d’anti-américanisme. Le socialisme numérique pourrait même être l’innovation américaine la plus récente. Alors que le socialisme du passé était une arme d’État, le socialisme numérique propose un socialisme sans État. Cette nouvelle variété de socialisme agit dans le monde de la culture et de l’économie, plutôt que dans celui de la politique… pour le moment.»
Bon, mais j’y dois tout ou en tout cas l’essentiel à mon grand-père syndicaliste et notamment l’AVS.
Certes, mais la chute finale du capitalisme n’est pas soluble dans cette forme particulière de socialisme. Détrompez-vous peut-être:
«Jusqu’où ce mouvement nous rapprochera-t-il d’une société non capitaliste, Open Source, à la productivité collaborative ? Chaque fois cette question apparue, la réponse a été : plus près que nous le pensons. Prenons Craigslist, par exemple. Ce ne sont que des petites annonces classées, n’est-ce pas ? Pourtant, ce site a démultiplié l’efficacité d’une sorte de troc communautaire pour toucher un public régional, puis l’a amélioré en intégrant des images et des mises à jour en temps réel, jusqu’à devenir soudain un trésor national. Fonctionnant sans financement ni contrôle public, connectant les citoyens entre eux sans intermédiaire, cette place de marché essentiellement gratuite produit du bien et du lien social avec une efficacité qui laisserait pantois n’importe quel gouvernement ou organisation traditionnelle. Bien sûr, elle ébranle le modèle économique des journaux, mais en même temps il devient indiscutable que le modèle de partage est une alternative viable aux entreprises à la recherche permanente de profits et aux institutions civiques financées par les impôts.»
Alors si la révolution est déjà en marche, je vais y réfléchir un peu mieux. D’autant que ce n’est pas très éloigné des idéaux coopératifs de mon grand-père dans l’entre-deux-guerres. Et vous?
New blog post: Lectures d'été (6): quel logiciel pour la gauche européenne? http://bit.ly/VFgOl
Même si ce n’est peut-être pas volontaire, j’ai adoré « la gauche chaos debout » aux européennes… 😉
@François: la formulation correspond exactement à mon sentiment lorsque je rédigeais ce billet. Elle traduit donc ma pensée. Content que cela te plaise. Amitiés.