Libération d’aujourd’hui s’intéresse à l’utilisation de l’outil Twitter par les hommes politiques… et n’oublie pas les tartes à la crème d’usage.
J’ai déjà eu l’occasion de vous entretenir sur politis.ch de l’utilisation de Twitter en politique, plus particulièrement en rapport avec la campagne présidentielle américaine. Dans la torpeur de l’été où il convient pour les journalistes d’une part de jouer à se faire peur (« et si les hommes politiques se passaient des journaux et des journalistes pour communiquer? »), d’autre part d’enquêter sur la manière dont les politiques communiquent à l’ère de l’Internet, Libération titre « Twitter, la nouvelle arme des politiques » puisque les blogs et les politiques cela a déjà été fait les derniers étés, fait un détour par l’utilisation de Twitter par Barack Obama (« Obama tisse sa victoire sur la Toile »), et interviewe ensuite à ce sujet Dominique Wolton («Trop d’interactivité risque d’accentuer l’agitation politique»).
Certes tout n’est pas sot dans les propos tenus par les différents auteurs ou interviewés. Notamment lorsqu’il s’agit de présenter l’outil Twitter:
Pas par téléphone, ni par mail, mais grâce à Twitter («gazouillis» en français), un service auquel il accède depuis son ordinateur. Merveille de la technologie moderne, cet outil lui permet de diffuser en temps réel son agenda, ses réflexions ou ses humeurs. Il lui suffit de se connecter au site Twitter.com pour poster un court message qui sera lu dans la minute par l’ensemble de son réseau. On apprend par exemple que, le 26 mai, Benoît Hamon était à Ljubljana, et que, le 17 juin, il manifestait pour la défense des 35 heures.
«La base de Twitter, c’est de diffuser à tous ses amis ce qu’on est en train de faire à l’instant. C’est du micro-blogging», explique Frédéric Cozic, consultant en Web innovant. Concrètement, son utilisateur dispose de 140 caractères (soit la taille d’un SMS) pour dire ce qu’il souhaite. Autant dire que, avec un format aussi court, il y a de quoi être sceptique. Mais pour les spécialistes des nouveaux médias, comme Joël Ronez, les avantages de Twitter sont indéniables : «D’abord, c’est très simple à utiliser. Ensuite, cela peut s’exporter : on peut par exemple twitter depuis son téléphone portable.» Et, surtout, c’est gratuit : «Vous pouvez donner rendez-vous à mille personnes en même temps sans dépenser un seul centime.» Twitter, la nouvelle arme des politiques »
ou sur la relativité de l’apport d’un nouvel outil dans la communication ou la communication politique en particulier:
Que pensez-vous de l’engouement des dirigeants politiques pour les réseaux communautaires, les forums ou les blogs Internet ?
Il faut relativiser historiquement. Un tuyau supplémentaire, quelle que soit sa puissance ou son interactivité, ne suffit pas à changer les rapports sociaux, culturels et politiques. «Trop d’interactivité risque d’accentuer l’agitation politique»
de même que la réflexion sur le temps de la politique:
La question aujourd’hui est que le temps de la politique ne peut pas être le temps du média ou du direct. La compréhension, l’action, requièrent du temps. La société ne change pas au rythme des médias et de leurs interactions. Il faut compenser cette vitesse par la conscience aiguë que les sociétés sont lentes et complexes, surtout à l’heure de l’ouverture des unes sur les autres et du charivari provoqué par la mondialisation. Le fait de parler d’un problème ne suffit pas à le résoudre. «Trop d’interactivité risque d’accentuer l’agitation politique»
Mais les mêmes tartes à la crème que nous avons connues relativement au blogs sont également ressorties. Premièrement, ceux qui utilisent ces outils le font au détriment d’autres:
L’ennui, c’est que ce type d’activité est chronophage et ne remplace ni les médias traditionnels, ni surtout les contacts humains et sociaux, et encore moins l’action.
alors que les enquêtes relatives à l’utilisation de ces technologies montrent que celles-ci viennent s’ajouter et démultiplient les contacts sociaux dans le monde réel de leurs utilisateurs. Ceux-ci ne sont pas des agoraphobes, bien au contraire.
Deuxièmement, leur utilisation irait vers le futile, l’égo, le voyeurisme et la people:
Le public rentre dans une sorte de voyeurisme vis-à-vis des hommes politiques : il veut en savoir toujours plus tout en n’étant jamais rassuré.
Cette tarte à la crème est née avec la transposition des blogs dans la sphère politique. Dans l’opinion journaliste, les blogs étaient tous de Skyblog, centrés sur le moi le plus futile. Cela n’a effectivement pas été amélioré avec Twitter où tout le monde s’imagine que leurs utilisateurs écrivent des messages pour dire qu’ils sont aux toilettes…
Et bien sûr, les médias traditionnels sont eux exempts de ce type de reproche que sont la «peopolisation» du politique, la futilité, le manque de prise de distance, l’absence de mise en perspective.
C’est dommage, car l’interview de Dominique Wolton mérite d’être lu, car on peut facilement le lire en élargissant son analyse à l’ensemble des médias actuels et à la politique en général que ces derniers soient faits avec ou sans l’Internet, avec ou sans Twitter.
Nouveau billet: Série de l’été : Twitter et la politique http://tinyurl.com/64deba