Voilà mon premier billet publié suite à une première info publiée sur mon twitter:
Sondage: 67% des démocrates pensent que la longueur de la campagne ne fait pas de tort au parti, voire qu’elle lui est bénéfique.
Et qui a suscité la réponse suivante:
@lyonelkaufmann et toi tu en penses quoi? c’est bénéfique ou non? D’après moi c’est terriblement contre-productif…
Mais voilà, ma réponse sera publiée ici, car elle fait plus de 140 caractères… N’empêche la vitesse de diffusion/réaction a été fulgurante sur twitter et incomparablement plus réactive par rapport à la publication de n’importe lequel de mes billets sur politis… Bon mon avis maintenant.
En préambule, il me faut replacer cette question en fonction de la situation dans laquelle se trouve les démocrates. Depuis janvier, il y a deux candidats qui n’arrivent pas à faire la différence définitivement et que les électeurs démocrates non plus n’arrivent pas à départager. Plus embêtant chacun de ces candidats clive l’électorat:
- d’un côté, Hillary Clinton attire les électeurs plutôt âgés et les cols bleus, soit les représentants des classes moyennes fortement touché par la crise industrielle américaine et fragilisé par la concurrence internationale;
- de l’autre côté, Barack Obama attire lui l’électorat des jeunes et celui des Noirs.
Quelque soit le choix définitif du Parti démocrate, il faudra que le ticket réussisse à récupérer l’électorat du perdant de la primaire. Quelque soit la longueur de la campagne. En même temps, les primaires doivent permettre de mobiliser un maximum d’électeurs potentiels. L’art consistant ensuite à les garder mobilisés pour la générale. L’équation est ici simple: combien de temps et jusqu’à où le ressentiment des supporters du candidat-e défait-e subsistera-t-il? La question est difficile actuellement à trancher, car évidemment les supporters sont en pleines mobilisation pour leur candidat-e et ne saurait être en mesure d’accepter la défaite de son poulain et les sondages reflètent cet état d’esprit en montrant un fort pourcentage de désaffection si leur favori n’est pas choisi.
Le dilemme existe aussi en fonction de deux catégories d’électeurs qui pourraient faire la différence en novembre en faveur du candidat-e démocrate. A nouveau, chacun des candidats attire une de ces catégories: les cols bleus pour Hillary Clinton, les jeunes pour Barack Obama. Ici, l’équation est : lequel de ces électorats est le plus volatile. Dans la configuration actuelle et par rapport à la dernière présidentielle américaine, il paraît plus dangereux pour le parti démocrate de s’aliéner l’électorat col bleu, car il ira de toute façon voter… Actuellement, il apparaît que le vote de l’Indiana est crucial tant pour Hillary Clinton que pour Barack Obama. Pour ce dernier, après ses gaffes à leur égard qui l’ont très largement desservi en Pennsylvanie, si cette désaffection persiste, elle sera un obstacle quasiment infranchissable pour l’élection générale de novembre puisque à cette désaffection s’ajoutera à la frange de l’électorat blanc qui ne votera jamais pour un candidat noir. L’électorat jeune ne pourra pas à lui seul compenser cette double désaffection, mais une seule oui.
Si les deux candidats n’arrivent pas à faire la différence, c’est aussi parce que le dilemme des électeurs est le résultat de la spécificité des deux candidats: une femme et un Noir. Qui de la misogynie ou du racisme est le plus fortement ancré dans l’électorat? Sous cet angle, la longueur de la campagne permet, à mon avis, de mieux jauger cette attitude de l’électorat. Jusqu’à récemment, ce dernier paraissait être plus misogyne que raciste, mais il me semble qu’imperceptiblement plus la campagne avance et plus elle joue contre Barack Obama. Si cette tendance se confirmait, elle serait très gênante, car elle ne pourra qu’augmenter d’ici novembre.
Enfin, je suis d’avis qu’il n’est pas si négatif que les attaques se produisent pendant les primaires et entre candidats démocrates. Je sais que cela peut paraître curieux et aller en contre-sens des analystes actuels. Pourtant je tiens à mettre en évidence deux éléments:
- comment penser que le candidat qui ne pourrait résister que difficilement à ces attaques durant les primaires pourrait mieux le faire en novembre face au candidat et à la campagne républicaine?
- plus ces éléments-là sont mis en avant durant les primaires, plus il sera difficile aux républicains d’amener de nouvelles choses dans un style de campagne qui est extrêmement mobile et fluide ce qui nécessite d’amener constamment de la matière nouvelle qui plus est face à un-e candidat-e qui aura déjà su s’en sortir.
Par contre, dans les faits, plus la campagne traîne plus elle joue en défaveur de Barack Obama, car il perd toute la fraîcheur, la nouveauté et le sentiment d’un nouveau style politique qu’il incarne depuis le début de la campagne. Mais peut-on dire pour autant que ce qui joue en défaveur de Barack Obama joue automatiquement en défaveur du parti démocrate? Certainement que oui pour les supporters d’Obama, évidemment non pour les supporters d’Hillary Clinton…
C’est sympa de poursuivre la discussion commencée sur Twitter sur ton blog, en même temps il t’aurait fallu 37 tweets pour écrire cet article sur le site de microblogging (oui j’ai fait le calcul, honte à moi…).
Pour en revenir à ton analyse et essayer d’étayer mon point de vue, je suis globalement assez d’accord avec ce que tu exprimes dans ton article, mais je trouve que tu réduis le problème à son seul aspect politique. Tu analyses la répartition des votes à l’intérieur du parti et nous donne un éclairage sociologique sur l’électorat démocrate, mais pas un mot sur l’impact médiatique sur les indécis et les sans-parti.
C’est précisément sur ce point que je pense que les démocrates se font du mal. Ils donnent une image de parti divisé et semblent incapables de se réunir. Du côté républicain on a pu voir les autres candidats se retirer rapidement de la partie et se rallier derrière McCain. Il y a certainement beaucoup de calcul politique et de stratégie là-dedans, mais en terme d’image ça le fait quand même plus que des démocrates qui se crêpent le chignon.
J’en viens à l’autre problème, encore plus grave à mon avis. Les attaques répétées entre les candidats démocrates donnent un fond de crédibilité aux futures attaques des républicains. Pas besoin d’explication sur ce point, sinon mon commentaire va vraiment devenir interminable 🙂
Ben c’est aussi sympa que tu prolonges la discussion de twitter à ici 🙂
Tu as partiellement raison de dire que je limite mon analyse à la politique interne du parti démocrate. Ceci pour trois raisons:
– rares sont les primaires où seuls les électeurs démocrates se prononcent sur le choix du candidat-e démocrate; la plupart sont ouvertes aux électeurs indépendants et aux mêmes aux électeurs républicains (cependant dans ce cas-là, il n’est pas possible de voter à la primaire républicaine correspondante): il y a un intérêt évident pour les Démocrates de capter de nouveaux électeurs par le moyen des primaires (bien évidemment il faudra les conserver surtout les indépendants pour la générale…);
– les primaires démocrates ont rencontré un succès sans précédent, les nombre d’électeurs a considérablement augmenté et à même dépassé le nombre des électeurs républicains des primaires, y compris dans des Etats considérés comme des bastions républicains: c’est considéré comme un signe encourageant pour les Démocrates, c’est aussi un signe des problèmes des Républicains;
– les primaires doivent être un moyen pour les Démocrates de convaincre les cols bleus (ces électeurs qui en 2000 et 2004 ont basculé côté républicains) et les jeunes (un électorat nouveau et qui a peu voté en 2000 et 2004, même si en 2004 il s’était mobilisé pour Howard Dean lors des primaires) d’aller voter et de voter démocrate : Hillary Clinton et Barack Obama ont atteint ces objectifs, mais le problème c’est que c’est chacun de leur côté… sans assurance que ces deux groupes s’alignent ensuite sur le choix de la convention démocrate.
Pour résumer, le dilemme est aussi là pour les Démocrates. Les primaires ont une très forte capacité de mobilisation autour des deux prétendants démocrates. C’est incontestablement un plus. Par contre, comme toi, ils craignent les dégâts colatéraux des attaques croisées des deux candidats. D’où probablement la volonté d’Howard Dean que les superdélégués fassent leur choix dès la fin des primaires du mois de juin et n’attendent pas la convention du mois d’août. Ceci pour se mettre en ordre de combat dès le début de l’été derrière le candidat ainsi désigné. Mais je doute qu’il y arrive.
Pour moi, le principal problème des démocrates résident plutôt dans le fait qu’idéalement le ticket devrait être composé des deux derniers prétendants, car chacun d’eux entraîne derrière lui des catégories d’électeurs-clés pour la générale et aucun des deux ne pourra, une fois désigné, «récupéré» la catégorie-clé de l’autre. Or, plus la campagne avance, plus se sera difficile. D’autant qu’à mon avis, ce scénario ne serait envisageable qu’avec Hillary Clinton en première sur le ticket (du fait probablement de son orgueil et que son mari a déjà été président: elle n’a aucune raison de vouloir être encore derrière…), mais comme Barack Obama aura le plus de délégués élus (≠ les superdélégués) et que probablement il gardera l’avantage sur le nombre d’électeurs ayant voté pour lui durant les primaires.
Restent trois inconnues: les deux Etats dont les résultats ont été écartés, les délégués de John Edwards (lui-même ayant choisi de ne pas se prononcer), une éventuelle prise de position d’Al Gore. Sans parler des sondages nationaux si par exemple un candidat démocrate voyait sa côte s’effondrer…
Dans le même temps, la stratégie politique actuelle consiste à occuper continuellement le terrain médiatique. C’est aussi le problème de McCain qui semble faire une campagne à la Jacques Chirac de 1998, mais dans un pays comptant 5x plus d’habitants…
Mon commentaire est vraiment interminable… 😉