Deux ans après la Boillat, c’est autour des ateliers CFF de Bellinzone que la mobilisation syndicale, ouvrière et de toute une région périphérique s’organise et (re)met aux goûts du jour les principes que l’on pensait oublier de la lutte ouvrière et de la grève. Comme le disait Karl en janvier pour les deux ans de la Boillat:
La grève des Boillat représente peut-être ce que les gens peuvent donner de meilleur. Comme quoi, on se passerait certainement bien du meilleur pour aller aux champignons, profiter du soleil et boire un coup avec les amis. Mais voilà, la bassesse ayant empoisonné Swissmetal, il fallait de la grandeur pour y remédier. (Karl : Une voix pour la Boillat).
Dans le cas de CFF Cargo, les mêmes ingrédients, une distribution comparable et des acteurs quasi interchangeables occupent la scène tant médiatique que sur le terrain: Gianni Frizzo endosse le rôle du président du comité de grève et véritable icône du mouvement, occupé alors par Nicolas Willemin pour la Boillat; Andreas Meyer, directeur des CFF, singe Martin Hellweg (Swissmetal) dans le rôle du patron sans scrupule. L’évêque de Lugano endosse le rôle de la caution morale ou politique, captée alors par Pierre Kohler. Et surtout tout un canton se lève, se dresse et fait entendre sa voix dans l’indispensable soutien du terreau local aux grévistes. Puis des manifestations se font jour au Tessin d’abord, puis dans d’autres lieux helvétiques. Plus tard viendra peut-être la manifestation nationale à Berne.
De la mobilisation des employés de Bellinzone de CFF Cargo émerge la tradition des luttes ouvrières que la Suisse a connu et que certains cherchent à faire taire sous le verni anesthésiant de la sacro-sainte Paix du Travail. Ainsi, dans son édition du samedi 29 mars, le Journal «Le Courrier» retrace l’histoire du site de Bellinzone et nous permet de mieux comprendre tant l’attachement d’une région aux ateliers de Bellinzone
«Chaque mois, lorsque je me rends au Tessin, je passe régulièrement devant la gare de Bellinzone et les Officine des CFF. J’y jette un coup d’oeil, sans plus. Pourtant, il y a quelques jours, en pensant au conflit qui oppose les ateliers à la direction, je me suis rendu compte que toute ma famille a travaillé aux CFF, comme la plupart des familles de la ville. Mon père était contrôleur des convois à la gare voyageurs et marchandises de Bellinzone, deux de mes oncles travaillaient aux Officine, un troisième conduisait les trains, le quatrième était magasinier aux CFF de Chiasso. C’est tellement implicite, au Tessin et particulièrement à Bellinzone, de travailler aux CFF, que je l’avais moi-même oublié. Quand on entre aux ateliers, on est chaleureusement accueillis par un «merci de votre visite et de rester avec nous», on s’y sent tout de suite à l’aise, le tout est parfaitement organisé. Une équipe accueille, une autre assure la sécurité, une troisième s’occupe des repas, d’autres encore accompagnent les hôtes lors des visites des ateliers. On sent la préparation, le sérieux, le respect de tous.»
que les combats et les luttes qui ont émaillés l’histoire ouvrière suisse ou la spécificité du développement industriel helvétique jusque dans les régions décentrées de notre pays:
L’histoire de Bellinzone se confond avec celle des ateliers des CFF. Retour dans le passé. Au milieu du XIXe siècle, les premières lignes de chemin de fer sont construites au Tessin en même temps que commencent les travaux de percement du tunnel du Gothard. La ligne du Gothard est inaugurée en 1882. A la même période s’ouvrent les premiers ateliers de réparation des locomotives à Biasca, ainsi qu’un petit atelier à Bellinzone (45 ouvriers).
L’augmentation du trafic ferroviaire rend rapidement nécessaire la création d’un grand atelier à Bellinzone. Ce sera chose faite en 1891 et quelques années plus tard, 425 employés y travaillent. Les Officine des CFF sont nées. Ces ateliers ne cesseront de se développer jusqu’à récemment. En fait, jusqu’à ce que les régies fédérales, auparavant créatrices de postes de travail dans les régions périphériques, changent de politique et se lancent sur des marchés extérieurs, et que les services publics commencent à être libéralisés.
L’année 1889 voit la création d’un premier syndicat. Dans les ateliers, 65% des ouvriers sont syndiqués, un taux très élevé. La première revendication est la journée de travail de neuf heures sur une semaine de six jours. Alors que des licenciements sont évoqués, on lance le slogan «travailler moins pour travailler tous». Face à l’intransigeance de la direction des CFF, le syndicat lance un préavis de grève pour mai 1901. Après quelques jours de grève, la direction cède. En 1918, les ouvriers tessinois suivent massivement la grève générale de novembre. Exaspérée par les privations et les rationnements, la population se mobilise elle aussi. Les actions cesseront à la suite des menaces d’intervention de l’armée.
Vieille lune et ringardise deviennent soudain hypermodernes et les symboles d’une lutte toujours à construire et à renouveler contre le mépris et la bassesse. De là (re)naissent à la dignité et à la grandeur les gens simples, vaillants garants de l’âme humaine et d’un helvétisme fort éloigné des bocaux de chloroforme et du décor en carton-pâte d’un Heidiland dans lesquels certains voudraient nous enfermer.
Lyonel Kaufmann dit
Nouveau billet: CFF Cargo : une leçon de dignité contre la bassesse http://tinyurl.com/2kyhym
Lyonel Kaufmann dit
Voici un message reçu par mail à la suite de ce billet:
Cher Monsieur Kaufmann,
je veut vous remercier pour le touchant et intéressant article sur CFF Cargo et la situation à Bellinzona.
Votre présentation est vraiment lucide, humaine et très représentative de la réalité qu’on peut vivre aux Officine et dans toute la région.
Pour ceux qui ne peuvent pas venir au Tessin et voire directement ce qui se passe la possibilité de lire ces information, de ressentir l’ambiance est fondamentale.
En espérant de vous rencontrer au Tessin je vous présente mes salutations les meilleures.
Tout le bien!
Marlene Dupraz dit
Soutien aux grévistes de CFF Cargo de Bellinzone
Chers amis grévistes,
Chers camarades,
Chers amis,
Chers parents
Vous excuserez mes redondances, elles sont le mauvais fruit de mon indignation qui a dégénéré en rage viscérale mais…
Plus que jamais, nos proches et nos concitoyens doivent revisiter les discours et les actes de nos Conseillers fédéraux.
Ils ont annoncé, parfois sans ambages, les sacrifices et défis qu’ils aimeraient nous voir y consentir. Ils ont beaucoup dit mais nous, nous avons trop peu compris. Les messages étaient pourtant clairs.
Ils prennent des décisions sans nous et se déresponsabilisent si ça tourne mal.
* Plus vite que jamais, nous devons aller les trouver pour les sommer de nous expliquer leur agenda.
* Je crois que les protestations et les grèves sont insuffisantes.
* Devant un tel délit de fuite de la part du Conseil fédéral et de Moritz Leuenberger, il faut aller les chercher , en grande délégation, et les faire comparaître , manu militari, par devant le peuple.
* Si nous continuons de nous soumettre à des scénarii que nous connaissons déjà, appliquées à d’autres conflits, nous perdrons par l’essoufflement et la déprime.
* Le soutien du peuple n’est pas inépuisable, il faut éviter de le décevoir.
* Convoquez tous les partis politiques, sans exception, faites venir la presse et la population, répandez le mouvement dans toute la Suisse…
* N’attendez pas pour décider d’ un jour de grève générale. Ne serait-ce qu’un seul jour. (il vaut mieux un seul jour à payer tous les employés que 450 pendant 60 ou 70 jours, sans obtenir de succès).
* Poussez vos syndicats à l’organiser… Mettez les en cause. Fates briser les collusions gouvernementaux. Ne perdez plus de temps parce que le temps finira par tuer la résistance, tuer les ouvriers. Nous l’avons vu, de table ronde en table ronde, vous allez vous faire remplacer, marginaliser et éliminer, nous en connaissons les résultats funestes au bout de 60 jours: la mort des CFF cargo (et citernes) et le mauvais destin de la Suisse.
Je vous livre ci-dessous mes intuitions et mes analyses écrites d’un seul jet, ce soir, après avoir reçu l’appel à votre solidarité. Je suis quasiment sûre qu’on nous cache tout.
La Suisse en pleine métamorphose
La ligne politique de la Confédération en matière d’économie publique est en train de changer radicalement en prenant de la vitesse et ce, avec la lâche complicité des socialistes à la gouverne de notre pays.
Il faut être aveugle pour ne pas voir que la Suisse, Mme Calmy-Rey à la régie, est en train de piloter un formidable programme d’harmonisation des modes de production et de gestion en alignement des exigences voulues par une certaine politique extérieure que la bourgeoisie de ce pays impose. Cette bourgeoisie nous impose, avec cela, tous les risques inhérents au modèle de colonies impérialistes par les capitaux.
Nouveaux clients, nouveaux personnels, nouvelles structures
Les chemins de fer (CFF), les télécommunications (fibres optiques) et les autoroutes feront partie, dans un très proche avenir, de la sphère à sécuriser dont il reviendra à la Confédération la charge de la haute surveillance sur son propre territoire. Cet ensemble technologique des communications constituera le couloir des approvisionnements énergétiques qui traversera la Suisse d’Est en Ouest .
En conséquence, les convois ferroviaires seront attribués aux pays participants chargés de l’acheminement du gaz liquide à travers l’Europe occidentale. La Suisse, l’Italie, la France, seront traversés en grande ou petite partie par des wagons de marchandise et de citernes destinés à l’approvisionnement américain. Sarkosy a déjà préparé les terminaux maritimes pour cela (des remaniements dans les ports autonomes d’état ont provoqué des conflits que les autorités isolent, parce que le gouvernement licencie et liquide les grandes unités de productions au bénéfice de nouvelles entités dont personne ne connait encore leur identité et leur statut dans cette redistribution des cartes, plus que discrète.
Militarisation et haute sécurisation du couloir pétrolier et gazier
Oui ! Les CFF ont besoin d’être divisionalisés pour échapper au contrôle classique et populaire, Oui ! les entreprises d’état doivent être retirées du droit de regard du peuple. Elle doivent être mises au service de l’Imperator Américana qui a besoin de traverser nos territoires en toute sécurité. Oui ! les US ont peur des attentats qui les visent spécialement et qui s’en prennent à leur approvisionnement en énergie (qu’on sait, pour les guerres d’invasion). Oui ! Dick Cheney a peur de la réaction des populations pauvres, en premier lieu, des suisses spoliés de leur biens collectifs et de leurs droits démocratiques. Ensuite il a peur des ressortissants de pays qui subissent leurs guerres accueillis sur notre sol multi-etnique. Il a peur des représailles de toute sorte.
Une main invisible sur la Suisse
Sur sa stratégie économique, la Confédération a la haute main sur l’énergie mais aussi sur son transport. Elle tient à écarter toute possible protestation perturbatrice y compris celle du milieu de petits gaziers privés qui va devoir affronter une concurrence impitoyable et impossible.
Le Kosovo c’est aussi la petite Suisse, les petits travailleurs suisses et européens dans la précarité.
Confiscation de la politique étrangère de l’énergie.
Si la situation doit perdurer, car je pressent qu’elle durera à cause de cela, la Gauche non socialiste devra se mobiliser. Mme Calmy Rey a engagé la Suisse dans cette course folle sans grande garantie. Elle a engagé son peuple son économie et sa politique étrangère (nous en sommes confisqués). Elle ne peut plus reculer. Nous sommes vendus et trahis.
Lorsqu’elle se décidera à nous en informer, ce sera trop tard. Elle nous invoquera les effets « guillotine », parce que, désormais, le programme énergétique qui devient ses prérogatives, est partie commune et intégrante de certaines obligations de libéraliser qui figurent dans les bilatérales que nous voterons l’an prochain. Prérogatives et obligations sont celles de son assistance diplomatique en Iran à la concrétisation de l’ accord Pan Européen de la sécurisation du 4ème couloir pétrolier et gazier jusqu’en méditerranée. Voilà comment il faut entendre les « bons offices » de la Suisse. Les travaux auront été engagés en 2009 (probablement sans consultation populaire), les CFF réorganisés, des ateliers réadaptés et plus nombreux, clé en main, les postes centraux de contrôle européens et américains mis en place qui doivent être opérationnel dès 2010, avec leurs super responsables, super personnel d’un genre nouveau.
Pas d’auto-détermination du peuple.
Ainsi la société civile, les milieux industriel et économique, auront été écartés de toutes les décisions qui engagent inexorablement le destin de notre pays. Ce que fait Mme Calmy-Rey est aussi grave que ce que fait M. Sarkosy avec le Traité de Lisbonne qui a ravi le NON au TCE de 2005. Tous deux ont devancé la lettre et le Traité. Ils ont virtuellement atteint leur but sans passer par les moyens.
Le cornet surprise pour les plus laborieux.
Toute l’Europe est engagée dans l’OTAN sous commandement US.
Désormais c’est l’OTAN qui jouera le rôle de l’ONU: une communauté internationale d’intérêts américains.
Vous savez, comme moi, que rien ne sera laissé au hasard. Le démantèlement se fera partout sans freins et ils devront s’achever avant cette date de 2011. La date guillotine du contrat en approvisionnement en gaz d’Iran (gaz liquide ?)
La date des inconnues. La date de la remise des prix. La date du « cornet surprise » pour la Suissesse dévouée.
Le petit rôle des cantons
CFF, Leuenberger, Calmy-Rey… Derrière cela, il y a l ‘A-Plat-Ventrisme Socialiste devant le Capital.
Les autres socialistes des Cantons redistribueront des miettes, feront de l’humanitaire dans les centaines d’ONG par m2, du social avec leurs chômeurs et des banquets culturels pour magnifier la misère et la pauvreté. Ils diront les messes appropriées pour éloigner leurs ennemis… Intérieurs et extérieurs. Pour éloigner tous ceux qui seraient tentés de s’y opposer.
Ou sont les forces de gauche ?
Concrètement, il faut convoquer le Conseil Fédéral, in corpore, l’interroger sur l’incohérence apparente de sa gestion.
Lui faire dire son inavouable trahison.
Que la Gauche pantouflarde(qui se gargarise de son gauchisme rénové) se remue un peu, qu’elle déloge ses alliés naturels (socialistes et verts) de leur cocon feutré pour leur demander des comptes. Que fait cette Gauche faite de vieillards frustrés qui se terrent dans le silence ou qui se gausse de sa charité à cinq sous ?
Où sont les députés de Gauche ?
Où sont les « grands électeurs » de gauche dans nos cantons ?
Où sont les femmes de Gauches ? Que font elle de leur culture et de leur art ? Pourquoi ne sortent-elles pas des murs de leur Comédie, ne descendent elles pas des Planches pour crier à l’indignation dans la rue et clamer la cupidité
des tribuns politiques ? Pourquoi le drame d’un peuple ne les atteint-il pas ?
Pourquoi ne crie-t-elle pas à l’imposture du Conseiller Fédéral Moritz Leuenberger et à l’usurpation de Micheline Calmy-Rey, Cheffe des Affaires Etrangères ?
Avec mes solidaires sympathies.
Marlène Dupraz,