Si l’arrestation du Prince Victor Emmanuel de Savoie n’a pas donné lieu à des polémiques en tant que telle, la diffusion par la presse italienne des écoutes téléphoniques ayant permis son arrestation a elle lancé une polémique tant sur les écoutes en tant que telles que sur leur diffusion dans la presse italienne.
Dans le cadre traditionnel du rôle de la magistrature, de la présomption d’innocence et du secret de l’enquête, c’est évidemment choquant.
Par contre, dans l’ère de la société de l’information et de la communication, cela ne paraît à mon avis que comme une évolution inéluctable. A moins d’un changement d’ère de société…
En effet, l’affaire judiciaire et la culpabilité d’un prévenu —qui plus est issu de l’univers médiatique—, voire ses aveux se jouent aussi sur la scène médiatique.
L’évolution de cette affaire du Prince Victor Emmanuel de Savoie est d’ailleurs révélatrice à ce sujet :
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Acte I : Le prince Victor Emmanuel arrêté pour association de malfaiteurs (Le Figaro du 16.06.2006) – Le Figaro comme d’autres journaux répercutent une dépêche d’agence.
On y apprend que le Prince a été arrêté avec douze autres personnes par le parquet de Potenza. Interrogé, le magistrat chargé de l’enquête indique que cette dernière durait depuis plus de deux ans et que l’ordonnance d’arrestation compte quelque 2000 pages. La dépêche rappelle que le Victor Emmanuel avait déjà connu de graves ennuis judiciaires dans le passé (altercation avec une jeune allemand décédé suite aux blessures faites) et qu’il avait été soupçonné de faire partie de la Loge P2.
Acte I bis : «Ils l’ont traité comme un bandit» (Le Matin du 16.06.2006) raconte son fils, le prince Emmanuel Philibert, interrogé par la télévision italienne.
«Ils l’ont pris, ils lui ont enlevé son téléphone portable (…) ils l’ont traité comme un bandit», narre le fils qui conclut «J’espère (que le procureur) est sûr de ses accusations, sinon ce sera la dernière fois qu’il fait quelque chose».
La famille et l’avocat occupent alors la scène médiatique soit pour que l’on prenne le prince en pitié, soit pour minimiser les faits ou soit pour menacer via la presse le magistrat auteur de l’arrestation.
Dès le début, l’affaire se joue sur le terrain médiatique. La justice en mettant en avant l’ampleur de l’enquête. La presse en parlant du passé troublé du prévenu. La famille en tentant d’apitoyer le public sur les conditions d’arrestation et en menaçant le juge, via l’opinion publique.
Acte II : La presse poursuit lendemain et le surlendemain en évoquant à nouveau l’arrestation, mais également des propos choquants du prince Victor Emmanuel qui, en 1997, avait déclaré que les lois fascistes antisémites, approuvées par la Maison royale de Savoie, n’étaient « pas si horrible ». [Associated Press]
Acte III : Le Prince Victor Emmanuel aurait tout au plus pêché par naïveté pour son avocat genevois, Me Dominique Warluzel interrogé par Le Matin du 20 juin 2006). Morceau choisi :
Maître Warluzel: «En termes d’image, les dégâts sont importants»
«Je connais bien Victor Emmanuel, non seulement comme avocat, mais aussi comme ami, déclare Me Dominique Warluzel, l’avocat genevois de la famille princière. Qu’il soit mêlé à une quelconque activité criminelle me paraît exclu. Il n’a pas besoin d’argent! Le seul reproche qu’on peut éventuellement lui adresser est de ne pas avoir toujours su choisir avec soin certaines de ses fréquentations. Il peut donc avoir péché par naïveté. Les dirigeants de casino appartiennent souvent à un milieu trouble. On peut donc imaginer qu’ils se soient servis du rang et du nom de Victor Emmanuel pour protéger leur position.»
Mais dans la même édition, un article évoque et retranscrit une partie des écoutes téléphoniques («Il ne faut pas me casser les couilles»)
A nouveau, on constate le travail médiatique en symétrie tant de la magistrature, via la divulgation des écoutes téléphoniques, que de la famille princière. Et la famille princière perd la manche.
Comme le synthétise le journal Le Monde dans son édition du 21 juin (abonnés) :
Le prince Victor Emmanuel de Savoie, arrêté le 16 mai pour « association de malfaiteurs », est-il coupable des accusations de « corruption et d’exploitation de la prostitution » portées contre lui et ses complices présumés ? Sans attendre la fin de l’enquête, une partie de l’opinion le juge déjà, à la lumière des écoutes téléphoniques que la presse transalpine publie à pleines pages depuis quelques jours. On y découvre un personnage sans scrupule qui parle gras, un affairiste trouble, que les magistrats désignent comme un chef de bande. Une bonne partie de la classe politique s’étrangle en ouvrant les quotidiens, tandis que les lecteurs se passionnent, entre ricanements et dégoût, pour ces conversations volées. D’autant que certaines mettent en cause des proches et des épouses d’hommes politiques.
Acte IV : Le Prince et sa famille changent de stratégie : le Prince se met à table. Une dépêche de l’AFP est sans ambiguïté à ce sujet :
ROME (AFP) – Victor Emmanuel de Savoie, arrêté et incarcéré il y a une semaine en Italie sous l’accusation de corruption, jeux truqués et proxénétisme, a obtenu vendredi d’être placé aux arrêts domiciliaires après avoir « partiellement reconnu » les faits et « accepté de collaborer », a annoncé le magistrat chargé du dossier. [Sources : Yahoo Actualité du 23 juin 2006]
C’est largement parce que la bataille médiatique a été perdue par la Maison de Savoie que la défense du Prince a évolué vers la reconnaissance partielle des faits. C’est également pour éviter de perdre la bataille médiatique que la magistrature a très certainement non seulement organisé les fuites, mais est parvenue dès le début à faire paraître dans la presse des épisodes peu reluisants de la vie du Prince.
Cela était probablement d’autant plus nécessaire que les familles princières font partie de la sphère médiatique et l’utilisent allègrement.
Mais, dans d’autres cas, on constate des phénomènes identiques générés par la société de l’information et de la communication. On peut, par exemple, penser aux arrestations en directes sur les chaînes d’information américaines —et notamment à l’arrestation d’OJ Simpson—ou dans un autre contexte à l’affaire Grégory en France.
L’évolution du champ sportif est identique. Auparavant, le rôle des médias consistait à rapporter le match de football ou de tennis ou à le diffuser pour lui-même. Aujourd’hui, les journalistes et les caméras traquent les joueurs de leur vestiaire au terrain et inversement. Cette année, par exemple, France Télévision a innové en filmant les joueurs de Roland Garros dans les vestiaires d’avant match. Il y a de moins en moins de limites à l’intrusion des médias en direct dans l’univers des sportifs.
Et bien sûr en est-il de même du champ politique. La récente élection de Doris Leuthard le prouve largement. D’ailleurs, Doris Leuthard est un produit médiatique du PDC tout autant qu’une politicienne de valeur (même si je ne partage pas une bonne partie de ses orientations !).
Il est d’ailleurs piquant qu’elle s’en offusque parfois, car OUI si elle avait été moche et non souriante elle n’aurait certainement pas connu la même carrière politique nationale.
Pour autant, il est évidemment choquant que certaines questions ou remarques lui soient uniquement faites parce qu’elle est une femme. Cependant, c’est une partie intégrante de la manière dont la société de l’information et de la communication structure le champ politique, voire d’autres.
Pour le meilleur et pour le pire.
Pourquoi passe-t-on tjrs sous silence l’affaire de l’Ile de Cavallo où Victor-Emmanuel tira des coups de feu en direction d’un jeune allemand qui fut mortellement blessé,. Après 13 ans de procédure « le prince » ne fut condamné qu’à 6 mois avec sursis, peine annulée 1 an plus tard…! puisque « on dit qu’il a de mauvaises fréquentations », lui a-t-on tenu la main pour tirer….???? voir les photos du procès en 1991, « le prince a l’air d’être ailleurs….!) il a la chance d’avoir une « Marina » qui n’a pas les pieds dans l’eau (!) ni la tête pour le défendre……..!!!