Fragments discontinus de crise. Ecrits du bord de l’écran.
Crise de 1929 – Crise de 2008
Il y a comme un décalage entre les nouvelles en provenance des bourses du monde entier et notre perception des implications que celles-ci auront sur nos vies quotidiennes ses prochains temps. Comme une impression diffuse que cette crise n’est pas réelle, comme si nous étions au cinéma à regarder un remake.
Est-ce qu’à force de faire, à chaque début de crise, référence à cet événement totémique du Krach de 1929, fait que celui-ci n’est plus qu’un mythe. Qui a peur du grand méchant loup?
Notre incrédulité est fort étrange. Est-ce que les contemporains de 1929 partageaient une perception et une passivité comparables aux nôtres?
En tout cas, les pseudos discours rassurants, distillés par les zélateurs de l’hyperlibéralisme, et l’évolution progressive du vocabulaire de crise de 2008 ressemblent furieusement à ceux de 1929.
It’s a brave new world!
Discours de Nicolas S. à l’ONU
Hier Nicolas S. a prononcé un discours surréaliste à la tribune de l’ONU (Crise financière : réponses françaises, réponses américaines). Il veut que l’enquête soit menée pour trouver LE(S) responsable(s) de la crise et punir la/les victime(s) sacrificielle(s).
C’est un discours emblématique de la méthode S. : la recherche permanente du bouc-émissaire et de la stigmatisation d’un individu-autre jetté en opprobe à la vindicte populaire.
Il prend l’expression gendarme du monde plus qu’au pied de la lettre.
Crise du leadership mondial
Une des explications fournie de la crise de 1929 réside dans l’analyse qu’après 1918 nous étions dans une crise du leadership économique mondial entre l’ancienne puissance dominatrice la Grande-Bretagne, victorieuse militairement, mais rendue exsangue économique par le conflit mondial et la nouvelle, les Etats-Unis, retournée à l’isolationnisme politique et hésitant à assumer son nouveau leadership.
En 1945, la passation de « pouvoir » était réalisée et les Etats-Unis assumaient alors pleinement leur leadership tant économique et financier que politique.
Peut-être qu’aujourd’hui la crise économique n’est que le reflet d’une situation comparable où les Etats-Unis sont dans le rôle de la puissance économique rendant les armes alors que son successeur n’a pas encore endossé véritablement l’habit de la superpuissance économique.
Les différents signaux semblent indiquer que la Chine est le prochain détenteur de la couronne et que le centre de gravité de l’économie mondiale sera l’Asie (La crise financière, tremplin pour la Chine ?). Même Doris Leuthard a pris acte de ce changement à venir de leadership comme ses prédécesseurs d’après1945 qui s’étaient très rapidement adaptés à la nouvelle donne américaine.
Au niveau du modèle de société, c’est pas vraiment une ère « jojo » qui nous attend: hyperlibéralisme économique à la brutalité radicale et contrôle social totalitaire.
Obama et McCain dans le même bâteau
La dernière nouvelle plus que surprenante du jour, c’est l’annonce de l’interruption de la campagne de John McCain et le départ pour le Congrès des deux candidats à la présidence pour tenter de trouver une solution au programme de crise présenté par le gouvernement. Une forme de gouvernement d’union nationale.
At 8:30 this morning, Senator Obama called Senator McCain to ask him if he would join in issuing a joint statement outlining their shared principles and conditions for the Treasury proposal and urging Congress and the White House to act in a bipartisan manner to pass such a proposal. At 2:30 this afternoon, Senator McCain returned Senator Obama’s call and agreed to join him in issuing such a statement. The two campaigns are currently working together on the details.
Source: http://www.dailykos.com/storyonly/2008/9/24/151942/594/254/608947
– l’ampleur et la gravité de la crise (américaine) est encore plus sidérale que notre imagination arrive aujourd’hui à la concevoir;
– le vide tout aussi sidéral du pouvoir présidentiel américain auquel tente de suppléer les deux sénateurs-candidats à la présidence;
– la parlementarisation quasi totale du régime américain devant ce vide du pouvoir présidentiel;
– G. W. Bush, premier président des Etats-Unis détenteur d’un MBA en économie (si, si) a été englouti par la crise.
Nouveau billet: Propos de crise (1) http://tinyurl.com/48ecq9
Merci pour ce billet, Lyonel.
Ta réflexion développée dans la partie intitulée « Crise du leadership mondial » me rappelle furieusement les passages les plus forts – ou que j’avais qualifiés de plus fous en 2006 – de l’essai de Jacques Attali, « Une brève histoire de l’avenir ». Vous tendez les deux aux mêmes conclusions, notamment sur la question des déplacements des centres de gravité de l’économie mondiale.
Je te passe l’adage des grands esprits qui se rencontrent …pour mieux nous donner des frissons dans le dos, à défaut d’être en mesure de concevoir ce qui est en train de se passer.
Pour le « contrôle social totalitaire », j’abonde dans ton sens et je vais répéter ici ce que j’avais écrit dans l’un de mes billets de mars 2008 – « Le «Petit Livre rouge» de Mao Tsé-toung » : le légiste chinois Han Fei a décrit 300 ans avant notre ère les affres de l’hyperlibéralisme.
Comme tu l’écris si justement : ce qui nous attend n’est pas « jojo ».
Pour qui imagine encore benoîtement que l’adoption de l’économie de marché par la Chine, et par là son accession au statut de superpuissance économique mondiale, ira de pair avec plus de démocratie – comme nous la concevons encore – vont devoir se réveiller et changer leurs certitudes, parce que cela n’aura pas que des implications pour la Chine seule.
Très cordialement,
François
Cher François,
J’ai tellement rougi à la comparaison avec Jacques Attali que je n’ai pas réussi à te répondre jusqu’à aujourd’hui.
Et aujourd’hui, je ne peux que répondre qu’il faut vraiment que je lise ce livre de Jacques Attali. Un devoir pour mes vacances d’octobre.
A part cela, nous ne sommes pas les deux seuls à prédire, prévoir, conclure au déplacement un ou l’autre au déplacement du centre de gravité de l’économie mondiale vers l’Asie et la Chine plus particulièrement.
C’est une tendance lourde depuis, je dirais, les années 1960 et le développement non seulement du Japon, mais également de la Corée du Sud et de Taïwan. Puis de la Chine.
Cela tendrait aussi à confirmer que, contrairement à ce que l’on croit souvent, la production industrielle reste un élément important de la richesse des nations. Que l’Asie soit l’atelier du monde n’est donc pas un phénomène anodin.