L’économiste franco-égyptien Samir Amin est décédé le 12 août 2018 à Paris, à l’âge de 86 ans. Ce théoricien du « développement inégal » n’avait jamais renoncé à ses convictions puisées dans le marxisme. Samir Amin a été l’une des grandes figures du marxisme du XXe siècle qu’il a appliqué aux problèmes du sous-développement. Le Groupe d’études géopolitique a été reçu par Samir Amin en avril 2018 dans son appartement parisien pour une longue conversation sur sa trajectoire, son œuvre et ses analyses du monde contemporain. Extraits.
Groupe d’études géopolitiques. – Que signifie, pour vous, être marxiste?
Samir Amin – «Les grands problèmes amorcés par Marx concernent la vraie nature du capitalisme. Seul Marx a posé cette question dans tout le XIXe siècle et même au-delà. Personne d’autre n’a compris l’essentiel du capitalisme, et pas seulement le capitalisme de son temps, mais le capitalisme de manière générale. Comme je le souligne dans un chapitre de mon livre sur la Révolution d’Octobre, bien que Marx fût très conscient, en homme intelligent et cultivé, de l’adaptation du système aux circonstances de lieu et de temps, ce que le Capital nous donne à lire, ce n’est pas une histoire du capitalisme, mais une théorie du capitalisme, et c’est cette lecture-là qui a été essentielle dans ma vie.
J’ai été un lecteur attentif de Marx dans ce sens que j’ai lu tout Marx, pas seulement le Capital, les Grundrisse, etc. mais les œuvres politiques, le Dix-huit Brumaire, la Guerre civile, etc. Tout Marx. C’est amusant, je l’ai lu quatre fois dans ma vie un peu systématiquement : à vingt ans, quarante ans, soixante ans et quatre-vingts ans. Le hasard a fait correspondre ces lectures à des moments de transformation importante dans le monde. À vingt ans, c’était la fin de la Seconde guerre mondiale. À quarante, c’était Bandung et la reconquête des indépendances nationales. À soixante, c’était l’effondrement de l’URSS et la fin du maoïsme. À quatre-vingt, c’était la grande crise actuelle. Je l’ai lu à chaque fois pour m’en servir, pour voir comment il m’aiderait à comprendre mon temps. Marx n’est ni un prophète préscient, ni un génie qui aurait écrit une œuvre pour l’éternité, mais tout simplement le meilleur – et je dirais même le seul – analyste sérieux et réel du capitalisme, précisément parce qu’il n’était ni un économiste, ni un philosophe, ni un sociologue, mais tout cela en même temps.
[…]
La réponse magistrale de Marx est de caractériser le capitalisme comme le premier système fondé sur le marché généralisé. Le travail devient une marchandise, le capital lui-même devient une marchandise sous forme financière. Il en va de même de la nature, et notamment de la terre. Le travailleur, transformé en marchandise, vend sa force de travail, mais, prisonnier de l’aliénation capitaliste, il croit vendre son travail lui-même. S’il travaille huit heures, il est formellement payé pour huit heures, mais ce salaire lui permet d’acheter des produits ou des services qui n’ont coûté à la société que quatre heures. C’est le fondement de l’exploitation.»
Sur la crise économique actuelle :
Samir Amin – «[La crise] ne commence pas en 2007 avec l’effondrement financier bien connu, elle commence en 1975. Nous n’avons été qu’une poignée à l’époque à le voir. D’abord Paul Sweezy, Harry Magdoff, et moi, rejoints quelques mois plus tard par André Gunder Frank et quelques camarades italiens de Rome. Nous avons constaté, à l’époque (cela a été publié en 1977 en anglais), que les taux de croissance étaient tombés à la moitié de leur niveau de long terme dans les pays du centre, de 5 % à 2,5 % en moyenne. Cela a des conséquences profondes, et les taux d’investissement par rapport au PIB ne se sont jamais remis depuis. Aujourd’hui, quand le taux de croissance allemand passe de 2,1 à 2,2 %, on dit que la crise est terminée, mais c’est à mourir de rire. […]
On peut dire que la crise débute en 1971 avec la suspension de la convertibilité du dollar. Mais l’essentiel, c’est le développement du capitalisme des monopoles. Les monopoles existaient avant, mais nous sommes arrivés à un stade – c’était l’idée principale de mon livre sur l’Implosion du système capitaliste – que j’ai appelé celui des monopoles généralisés, où les monopoles ont réduit au statut de sous-traitants de facto toutes les formes de la production qu’ils ne dirigent pas directement eux-mêmes.
L’exemple par excellence, ce sont les paysans, pris en tenailles entre les monopoles de leurs fournisseurs de pesticides et d’OGM en amont, et les grands monopoles de commercialisation en aval. Mais c’est une situation générale. La voilà, la réalité du soi-disant néolibéralisme.»
Source : Nous avons rencontré Samir Amin – Le grand continent
Source de l’image : Wikipedia
actualité
Une loi qui dit la vérité sur Israël – Bon pour la tête
La nouvelle loi adoptée à une courte majorité par le Parlement israélien le 18 juillet est «d’une portée historique» selon le Premier ministre Netanyahou. Elle réduit encore les droits des Arabes établis dans le pays (un cinquième de la population) et renforce l’appui aux colonies en Cisjordanie occupée. Des protestations internationales s’élèvent. Mollement. Mais c’est en Israël même que ce texte suscite les plus vives réactions. Avec infosperber, Bon pour la tête a publié l’article du grand journaliste Gideon Levy, de Haaretz. Extrait.
La Knesset s’apprête à promulguer l’une de ses lois les plus importantes, et la plus en phase avec la réalité. La loi de l’Etat-nation précisera le terme vague de nationalisme israélien, ainsi que la nature du sionisme actuel. Elle va également mettre fin à la vaste plaisanterie qui voudrait qu’Israël soit «juif et démocratique». Une combinaison qui n’a jamais existé et ne l’aurait jamais pu, à cause de la contradiction entre les deux valeurs qui ne peuvent être liées sans mentir.
Si l’Etat est juif, il ne peut pas être démocratique, puisqu’il ne considère pas l’égalité des droits entre les citoyens. S’il est démocratique, il ne peut pas être juif, puisqu’une vraie démocratie ne peut pas prévoir des privilèges basés sur l’appartenance ethnique. Du coup, la Knesset a tranché: Israël est juif. Israël s’autoproclame Etat-nation du peuple juif – pas l’Etat de ses citoyens, ni l’Etat des deux peuples qui y vivent – et a, de fait, cessé d’être une démocratie égalitaire, pas seulement en pratique, mais également en théorie. C’est pourquoi cette loi est si importante. Il s’agit d’une loi sincère.
Le tumulte qui s’est élevé autour du projet de loi avait pour but d’entretenir la politique d’ambiguïté nationale. Le président et le procureur général, prétendus gardiens de la décence, ont protesté et ont reçu le soutien des libéraux. Le Président s’est écrié que cette loi représenterait «une arme dans la main des ennemis d’Israël» et le procureur général a mis en garde contre ses «répercutions internationales» (…)
Leur opposition était basée surtout sur la crainte de voir Israël ridiculisé aux yeux du monde. Cependant, le président Reuven Rivlin s’est élevé d’une voix forte et courageuse contre la clause qui autorise désormais les communes à examiner les résidents et leur attitude à l’égard du régime avant d’autoriser leur admission. Mais la plupart des libéraux étaient simplement horrifiés à l’idée de voir la réalité explicitement formulée dans la loi.
Gideon Levy, né en 1953 à Tel-Aviv, est un journaliste et écrivain israélien, membre de la direction du quotidien Haaretz.
Source et lire la suite : Une loi qui dit la vérité sur Israël – Bon pour la tête
Sommet Trump-Kim : Quel avenir pour l’économie nord-coréenne en cas de dénucléarisation ?
Alors que Donald Trump tourne le dos aux alliés européens traditionnels et au Japon des Etats-Unis, le sommet de Singapour confirme probablement le virage chinois et asiatique de la politique commerciale américaine. Comme l’indique David Frum, ancienne plume de G. W. Bush dans un éditorial pour le magazine The Atlantic, si le président « brutalise ses alliés et amis traditionnels, il s’aplatit devant les adversaires et les dictateurs ». Les perspectives économiques offertes par la croissance nord-coréenne offrent un début d’explication à ce revirement. La puissance de l’économie chinoise également. Il s’agirait bien là d’un redéploiement américain en direction de l’Asie du Nord-Est.
Dans son édition matinale, le Courrier international permet de dresser les contours de enjeux économique du sommet de Singapour à travers la presse chinoise, sud-coréenne et japonaise.
Ainsi, la Corée du Nord est moteur pour la croissance de l’Asie du Nord-Est. Elle s’est d’ores et déjà engagée dans une transformation de son économie planifiée, s’inspirant des exemples de la Chine ou du Vietnam, vers une économie de marché, affirme un expert chinois dans une analyse publiée par le quotidien Huanqiu Shibao.
D’ores et déjà, la Corée du Nord présente la plus forte croissance de l’Asie du Nord-Est. La croissance de la Corée du Nord a été de 3,9 % en 2016, selon le quotidien économique Nihon Keizai Shimbun, soit quatre fois plus qu’au Japon. La même année, les échanges commerciaux avec la Chine, son premier partenaire commercial, étaient chiffrés à 6,056 milliards de dollars, devant la Russie, en deuxième position, à 769 millions, et l’Inde, 589 (Nihon Keizai Shimbun).
Reste à savoir qui paiera la facture de la dénucléarisation de la péninsule nord-coréenne. Fidèle à son habitude, Donald Trump compte faire payer la facture aux autres. Ici, la Corée du Sud et la Chine. Il rencontrera probablement plus de succès ici qu’avec son mur avec le Mexique.
Source : Réveil Courrier: Sommet Trump-Kim Quel avenir pour l’économie nord-coréenne en cas de dénucléarisation ?
La carte détaillée du vote sur les JO: un Valais «utile» contre un Valais périphérique | Le Temps
La carte détaillée du vote sur les JO: un Valais «utile» contre un Valais périphérique par Le Temps. MicroGIS a fournit la carte détaillée du vote valaisan et son analyse.
«A la fin, c’est ce Valais «utile», celui de la croissance démographique et du dynamisme économique, qui l’emporte sur les coteaux et les vallées, note le géographe Pierre Dessemontet, de l’institut MicroGIS. Signe des temps et d’un canton qui se modernise et se rattache de plus en plus à la métropole lémanique.»
Source : Votation populaire du 10 juin 2018:
Russie – Chine ou Chine – Russie : le nouvel ordre (économique) mondial ?
C’est la question que l’on peut se poser après le fiasco du dernier G7…
Vladimir Poutine et Xi Jinping jouent l’unité face au « babillage » du G7 [Sergei Guneyev, Sputnik, Kremlin Pool Photo via AP – Keystone]
Alors que le sommet du G7 a été torpillé par Donald Trump à la toute fin de la réunion, les dirigeants russe et chinois Vladimir Poutine et Xi Jinping ont eux affiché dimanche leur unité et loué l’expansion de leur bloc asiatique.
Source : Vladimir Poutine et Xi Jinping jouent l’unité face au « babillage » du G7 – rts.ch – Monde
Cette photo de Valdimir Poutine et Xi Jinping contraste largement avec celle qui restera probablement la photo du sommet du G7 à Charlevoix :
« Il y a eu des centaines, sinon des milliers, de photos prises au sommet du Groupe des Sept à Québec ce week-end, un rassemblement de deux jours de dirigeants d’États membres pour discuter de tout, des changements climatiques à la politique commerciale internationale.
Mais l’une d’entre elle en particulier s’est distinguée après sa publication samedi et a ricoché autour d’Internet pour sa composition surréaliste.
Sur la photo, la chancelière allemande Angela Merkel se tient derrière une longue et étroite table, les deux mains pressées fermement dans sa surface au sommet de certains documents qui sont inclinés dans tous les sens. Avec une expression aussi neutre que possible, elle regarde directement le président Trump, qui est assis de l’autre côté de la ligne de partage. »(Traduit avec www.DeepL.com/Translator)
Source : The G-7 summit, summed up in one photo | Washington Post
Sur l’interprétation de l’attitude de Donald Trump, l’avis de Damian Paletta et Anne Gearan, toujours du Washington Post :
« Il n’a pas reculé, ni émoussé ses critiques, et malgré les références aux prénoms « Angela » et « Justin », Trump a peu fait pour masquer sa méfiance à l’égard du modèle international de consensus sur les affaires mondiales que représente le G-7.
… Trump s’était plaint aux assistants avant la réunion qu’il ne voulait pas assister aux conférences des autres leaders, et il a réfléchi à l’idée d’envoyer le vice-président Pence à sa place.
Il est arrivé à la réunion en retard et est parti tôt, tenant une conférence de presse en solo le samedi matin où il a donné l’ultimatum commercial et a dit que la taille de l’économie américaine signifie que les autres nations ne peuvent pas gagner une guerre commerciale. » (Traduit avec www.DeepL.com/Translator)
Source : Trump removes U.S. from G-7 joint statement over escalating feud with Canada’s Trudeau | Washington Post
Plus largement que la posture photographique de Donald Trump, l’analyse sur le fiasco de la conférence par Jennifer Rubin, chroniqueuse du Washington Post apportant une perspective de centre-droite (titre de son blog : Right Turn) :
« Après le comportement atroce et irrationnel du président Trump qui a conduit au sommet du Groupe des Sept, la désintégration de l’ordre mondial libéral en place depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale et la possibilité d’une grave crise internationale ne semblent plus difficiles à imaginer. Le président, insensible à l’histoire, ignorant des faits et guidé par des flagorneurs, n’a pas été forcé de s’attaquer au monde réel ni d’entendre des points de vue qui ne coïncident pas avec sa vision du monde tordue, dans laquelle les alliés nous arnaquent et les hommes forts agressifs doivent être admirés et accommodés. » (Traduit avec www.DeepL.com/Translator)
Source : After Trump’s G-7 summit fiasco, be afraid | Washington Post
Pour Jennifer Rubin,
« Trump a démontré une fois de plus qu’il est erratique et indigne de confiance – avec ses propres alliés ! Le contraste entre sa relation antagoniste avec les alliés démocratiques et le fait qu’il n’a jamais dit un seul mauvais mot à propos de la Russie défie toute explication, à moins que l’on accepte la théorie selon laquelle il est endetté d’une manière ou d’une autre envers le président russe Vladimir Poutine, dont la campagne pour interférer dans les élections américaines a aidé à faire atterrir Trump à la Maison-Blanche. » (Traduit avec www.DeepL.com/Translator)
De toutes les façons possibles, il n’y a pas de raison de se réjouir pour l’Europe et le Japon. Et la photo de ce sommet symbolisera peut-être la fin de l’ordre mondial établit après deux guerres mondiales.