Pour le professeur de droit à Harvard et penseur du net, il y a urgence à reconstruire des espaces communs de discussion. L'exemple d'écriture de la Constitution islandaise réalisée par crowdsourcing devrait, pour lui, être étendue largement.
Depuis quelques mois vous êtes installé en Islande. Le pays a notamment expérimenté une nouvelle manière de réécrire sa Constitution. Qu’est-ce qui vous intéresse dans le processus politique à l’oeuvre là-bas ?
Les Islandais ont répondu à la crise financière de 2008 en lançant un projet incroyable de nouvelle Constitution «crowdsourcée»,élaborée par les citoyens. A la première étape, mille personnes sélectionnées par tirage au sort ont travaillé sur ce que devaient être les valeurs du texte. Ensuite, 25 personnes sélectionnées pour former une Assemblée ont passé quatre mois à écrire. C’est à peu près le temps qu’il a fallu aux Américains pour rédiger leur Constitution, mais la différence ici, c’est que chaque semaine ils ont posté leurs ébauches sur Facebook. Il y avait des retours et commentaires des personnes en Islande mais aussi à travers le monde entier. Cette dynamique a produit, au final, une très belle Constitution, approuvée par les deux tiers de la population.
De mon point de vue, on a là tous les éléments dont une démocratie citoyenne a besoin : un échantillon représentatif de la population qui donne des informations sur lesquelles délibérer ; des experts pour aider à mener un travail sérieux et qui n’étaient pas des “insiders”. Il y avait aussi une règle très intéressante : chaque décision devait être prise par consensus, sans vote. Il n’était donc pas possible de juste créer des camps : il fallait travailler avec les gens, obtenir de la compréhension, des compromis. Et le texte a été approuvé à une très large majorité – pas comme le Brexit où 52 % suffisent à ce que la Grande-Bretagne saute de la falaise.
Ce qui m’intéresse, c’est de réfléchir à la façon dont on pourrait reproduire ce type de processus dans d’autres démocraties à travers le monde.
(…)
J’aimerais vraiment que ce qui s’est passé en Islande puisse se développer autour de cette question : comment rendre à nouveau la démocratie véritablement représentative ?
Source : Lawrence Lessig : "La segmentation du monde que provoque Internet est dévastatrice pour la démocratie" | France culture
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