Dans le journal Le Courrier du lundi 24 avril, une pleine page est consacrée au travail effectué par l’Office cantonal genevois de la statistique (OCSTAT) et relatif à l’analyse de trois scrutins cantonaux de 1997, 2001 et 2005.
L’article est en plus en ligne ici. Il est complété par une interview de Mme Tanh-Huyen Ballmer-Cao, professeure en science politique aux Universités de Genève et de Zurich et spécialiste du comportement électoral.
L’article nous apprend que
- la participation est la plus faible pour la catégorie des 20 à 30 ans;
- le taux de participation des Confédérés est plus faible que celui des Genevois, mais augmente en fonction de la durée de résidence;
- les campagnes votent plus que la ville;
- les femmes votent moins que les hommes (différence de 5%).
C’est Dominique Bornand qui va pas être content. Déjà que les femmes sont moins élues, alors en plus si elles vont moins voter !
Que va lui apprendre alors Mme Tanh-Huyen Ballmer-Cao ?
D’abord que ce désintérêt des femmes genevoises, comparativement aux hommes, est un phénomène helvétique. La femme suisse cuisine à l’électricité, mais vote moins notamment que la femme française ou américaine. Et le droit de vote tardif accordé aux femmes n’est plus une excuse explication.
Pour Mme Tanh-Huyen Ballmer-Cao, « cette situation et davantage à mettre sur le compte de la persistance de l’inégalité structurelle des femmes dont le niveau d’éducation et le statut professionnel restent moins élevés, de même que les revenus. »
De plus, les femmes « ne se sentent pas prises au sérieux dans leurs attentes et restent largement extérieures aux organisations », plus particulièrement les partis politiques.
Enfin, j’avais déjà souligné que faire de la politique pour une femme consistait souvent pour être élue dans les exécutifs à endosser les mêmes règles et attitudes que les hommes (mon billet : Femmes, gauche et politique). Mme Tanh-Huyen Ballmer-Cao avance des éléments comparables en se référant au langage de la politique qui « reste très abstrait et très guerrier » (lutte électorale, campagnes, adversaires, …).
Pudiquement, Mme Tanh-Huyen Ballmer-Cao évoque l’opportunisme des partis relativement à la question de genre et les effets lassant rapidement de leur rhétorique pro-femmes.
En résumé, le monde politique fait tout pour que les personnes peu instruites, modestes et de sexe féminin restent exclues de la prise de parole politique. Un suffrage censitaire qui ne porte pas son nom en quelque sorte.
La situation est d’autant plus catastrophique que la question d’introduire des quotas est vivement combattue par une partie des femmes elles-mêmes —l’aliénation n’est pas un vain mot ou qu’un concept creux*— et que le féminisme ne serait plus que des idées fumeuses prônées par des hystériques !
* l’aliénation :
L’aliénation peut être définie comme un état dans lequel un individu, par suite de conditionnements extérieurs, économiques, politiques ou/et culturels, cesse de devenir maître de lui-même et se transforme en esclave, simple objet entre les mains d’autres hommes. Réifié par l’homme, la femme est soumise à un statut social et à des conditions de vie qu’elle ne peut modifier sans bouleverser l’ensemble de l’ordre social. […]
La femme ne doit plus dépendre culturellement et idéologiquement des questions posées par l’homme mais doit être capable de poser de manière autonome ses propres questions, de développer ses propres problématiques et de chercher ses propres réponses. Elle doit être capable d’établir la hiérarchie des priorités dans son questionnement idéologico-culturel. Si elle ne le fait pas, elle deviendra l’un des principaux propagateurs d’une fausse conscience parmi la masse dominée et finalement l’égarera au lieu de lui fournir les armes intellectuelles de son émancipation. (Intellectuel colonisé, intellectuel aliéné)
Dans ce passage, j’ai remplacé colonisateur / Occident par homme et colonisé / intellectuel colonisé par femme. Relativement à l’aliénation, je propose à toutes les femmes de (re)lire Frantz Fanon :
“La grande nuit dans la quelles nous fumes plongés, il nous faut la secouer et en sortir. Le jour nouveau qui déjà se lève doit nous trouver fermes, avisés et résolus. Il nous faut quitter nos rêves et nos amitiés d’avant la vie. Ne perdons pas de temps en stériles litanies ou en mimétismes nauséabonds. Quittons cette Europe qui n’en finit pas de parler de l’homme tout en le massacrant partout où elle le rencontre, à tous les coins de ses propres rues, à tous les coins du monde.”
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merci lionel, mais je ne voudrais pas orienter tes lectures en fonction de mes intérêts! ;-)) le papier du courrier est en effet très intéressant et l’interview de madame la professeur également. de nouvelles pièces versées au dossier de la discrimination homme-femme et cela fait déjà beaucoup!
N’est orienté que celui qui le veut 😀