Les chantres de la concurrence salivaient devant l’exemple que devait être la libéralisation du marché de la téléphonie en Suisse. Depuis nous avons été édifiés, mais nous ne salivons plus.
Dernière en date, la décision attendue de la Commission de la concurrence (Comco) concernant le rachat de Sunrise par Orange ne pouvait, dans tous les cas, que confirmer l’échec de cet écran de fumée. Curieux direz-vous peut-être puisque la nouvelle a été présentée notamment par la Fédération romande des consommateurs comme une bonne nouvelle pour la concurrence et les consommateurs. Pas tant que cela. Décryptage.
Revenons préalablement sur l’histoire de cette libéralisation. Initiée en 1998 déjà, la libéralisation prévoyait la distribution de cinq licences de téléphonie en Suisse. Le nombre effectif n’a jamais dépassé trois… ce qui, selon le modèle même de la concurrence dite parfaite, est déjà un échec. Un échec prévisible, car avec 7 millions de consommateurs de téléphonie et les infrastructures nécessaires à une telle industrie, il n’était guère réaliste d’en espérer plus. Précisons que la France vient seulement, à fin 2009, d’accorder une quatrième licence 3G à Free. La consultation de la liste des opérateurs de téléphonie en Europe est très intéressante puisque l’on constate que des pays comme la Belgique (9 millions d’abonnés) ou le Portugal (12 millions d’abonnés) disposent également de trois opérateurs. (Source: http://bit.ly/cGbmN5)
Concernant la situation actuelle, deux opérateurs ou trois opérateurs ne changeront rien à l’affaire. Si la Comco avait accepté la fusion Orange/Sunrise, nous nous serions retrouvés dans une situation de duopole. Dans cette situation, le risque était grand à terme que Swisscom se retrouve fragilisée devant la puissance de feu d’une société multinationale comme Orange (France Télécom) et se voie contrainte de se faire racheter par une autre multinationale étrangère. Ce scénario met en évidence l’objectif véritable de cette libéralisation: remplacer les entreprises publiques de télécommunication par quelques grandes sociétés multinationales (oligopolistiques) devant lesquelles le consommateur (et non plus le citoyen) se retrouve pieds et poings liés.
En ce sens, le refus de la fusion Orange/Sunrise apparaît certes comme la moins mauvaise solution, mais elle marque aussi l’échec de l’idéologie de la concurrence puisque l’effet sur les prix n’a jamais, en Suisse, atteint les résultats promis (concurrence monopolistique). N’oublions pas que, si Sunrise avait récemment été plus agressif sur les prix, ceci était dû à la volonté de son propriétaire (un fond de placement!) de négocier un meilleur prix de vente de l’entreprise.
En définitive, les apprentis sorciers de la libéralisation jouent avant tout avec le contrôle démocratique d’un service autrefois public et de première importance (pour ne pas dire vital) pour chacun-e ainsi qu’avec une forme d’indépendance «nationale» dans ce domaine sensible.
Chronique publiée également sur combats.ch.
Je publie: Sunrise/Orange ou la faillite de la libéralisation http://ow.ly/179n1D
@PolitisCh Sunrise/Orange ou la faillite de la libéralisation http://bit.ly/ablDTm
Je suis assez étonné par vos conclusions. J’ai l’impression que le prix des télécommunications s’est effondré en Suisse ces quinze dernières années, pas vraiment le contraire. Malgré des investissements massifs, téléphoner coûte de moins en moins cher et les accès sont de plus en plus performants, même si on pourrait faire beaucoup mieux, je vous l’accorde.
Seulement, en matière de GSM, la concurrence est limitée à trois opérateurs étant donnée le système (qui est justifié pour des raisons évidentes) de concessions. Trois opérateurs, c’est peu de concurrence, mais c’est déjà mieux que rien. Par contre, en matière de téléphonie fixe, la concurrence beaucoup plus importante a mené à la communication gratuite entre appareils fixes et des connexions de meilleure qualité.
J’en conclus que la concurrence, au contraire, a permis ce que le monopole des PTT n’avait pas laissé espérer durant des décennies.
Bonjour Philippe 😉
Merci pour le commentaire.
De manière générale, me semble-t-il, on s’accorde pour dire que les prix de la téléphonie en Suisse reste trop élevé par rapport à nos voisins.
En 2004, dans la Vie économique (revue du Seco), Erich Bürkler, Chargé de cours, département d’économie de la Haute école spécialisée des deux Bâle (FHBB), notait que
Prouvant notamment que la baisse des coûts moyens (dans une situation concurrence monopolistique) profite d’abords aux actionnaires et peu aux consommateurs. Dans le cas de Swisscom, cela est un peu moins problématique puisque une majeure partie de la redistribution des dividendes est versé dans les Caisses fédérales et peut profiter aux citoyens (forme redistributrice).
De plus, rien ne dit que, dans le cas du maintien d’un monopole public (régie fédérale), l’Etat n’aurait pas été en mesure de faire répercuter la baisse des coûts moyens sur le prix des télécommunications. A ce stade, cela dépend d’une volonté politique pas du caractère de monopole public.
Concernant la téléphonie fixe, la situation est différente dans la mesure où
• elle est concurrencée par une autre technologie au coût nul au niveau de la création d’un réseau (téléphonie voip);
• le volume des communications privées fixes diminue drastiquement;
• le réseau n’est pas à créer (les différentes compagnies plus ou moins virtuelles bénéficiant du réseau Swisscom) et donc qu’il n’y a pas de coût d’entrée sur le réseau ou de maintenance;
• l’abonnement du fixe sert avant tout de prix d’appel pour d’autres services (internet, tv numérique) et à inciter les abonnés à avoir l’ensemble de leur abonnement chez le même opérateur (de manière générale, les communications fixes ne sont gratuites qu’au sein du même réseau et les surtaxes sont importantes pour téléphone fixe à téléphone mobile).
De plus, il est très intéressant de noter également que les prix de ces autres services (internet, tv numérique) n’ont pas connu eux d’évolution de prix à la baisse (la vitesse de transmission a augmenté, mais le prix de mon abonnement n’a pas baissé depuis de nombreuses années…). La situation de quasi-duopole (Swisscom + Cablecom) sur la télévision numérique expliquant ceci. Sans parler des coûts d’investissement pour de tels réseaux.