Bel exercice (ou tentative) d’équilibriste de la part de François Fillon venu délivrer le message gouvernemental après le 2e tour des municipales françaises sur les chaînes françaises. Rubrique décodage.
Première étape: relativiser la victoire de la gauche
Alors que les villes moyennes passent avec armes et bagages à gauche et que quatre (voire cinq ou six) départements la Somme, l’Indre-et-Loire, le Val-d’Oise, et les Deux-Sèvres —le département de Ségolène Royal—basculent également à gauche lors des cantonales du week-end*, François Fillon tente de dissimuler la victoire de 2008 au nom de la victoire de la droite aux municipales de 2001 que tout le monde a oublié:
«En 2001, la droite et le centre avaient largement gagné les élections municipales. Aujourd’hui, la gauche a partiellement rétablit la situation.»
Deuxième étape: les Municipales ne sont pas un vote sanction à l’égard du Président et du Gouvernement
«Chaque commune, chaque canton présente ses spécificités.»
Décodage: circulez y a rien à voir. D’ailleurs pourquoi est-il donc là à l’écran, si ces résultats n’ont rien à voir avec la politique gouvernementale et présidentielle, hein? D’accord toutes les chaînes NATIONALES ont ouvert par hasard leurs antennes aux résultats du scrutin, mais bon il pouvait se louer un DVD ou aller au cinéma voir les Ch’tis.
Troisième étape: on continue nos réformes comme de rien
«La politique de la France, les électeurs l’ont majoritairement choisi à l’occasion des élections présidentielles et des élections législatives. […] Nous allons poursuivre cette politique, parce qu’il faut de la ténacité pour réformer le pays.»
Deux messages. Le premier direct: « si vous pensez qu’on va vous écouter après les Municipales, chers électeurs, vous vous mettez le doigt dans l’oeil. Z’aviez qu’à y réfléchir en mai/juin 2007, bande de nazes… » (Ce en quoi, il n’a pas tout tort, le bougre. Faillait réfléchir avant.)
Le deuxième est un aveu contraire à l’étape deux: si M. François Fillon prend tant de soin à présenter les réformes faites par le gouvernement depuis 10 mois et à les justifier, c’est bien que contrairement à ce qu’il affirmait précédemment, le gouvernement et le président de la République ont bien été sanctionnés pour leur politique de «réforme» via le scrutin des Municipales.
Bon, et on fait quoi maintenant que le scrutin des municipales n’avait rien à voir avec la politique du gouvernement Fillon et du président Nicolas Sarkozy, mais que quand même que oui?
Bonne question, une partie de la réponse se trouve ici (Les municipales vues de La Cantine):
«Il va falloir une opposition, aussi. Ce n’est pas à la blogosphère de s’opposer en permanence aux dérives qui menacent notre modèle républicain. C’est au PS. Ce n’est pas à la blogosphère d’essayer de refonder un socle de propositions de gauche. C’est à l’ensemble des partis de gauche, y compris extrême et alters. ce n’est pas à la blogosphère de mener les luttes concrètes. C’est aux forces sociales, syndicales, associatives.
Alors au boulot. Il y a une vague. Qui va la surfer ?»
Et ça va pas être simple…
PS: mes quelques réactions twiterisées de la soirée à la lecture des résultats et commentaires:
• France: 49,5% à gauche et 47,5% à droite (2): l’autre comparaison, c’est l’Italie avec N. Sarkozy en S. Berlusconi. Qui sera l’Olivier?
• France: 49,5% à gauche et 47,5% à droite, le paysage politique français est plus que jamais bipartisan et bipolarisé à l’américaine.
• Pour 342 voix, manque de Pau, François Bayrou s’enfonce encore un peu plus dans le désert…
• Passage des villes au PS: S. Royal capitalisera et récoltera les fruits de son engagement alors que B. Delanoë restait collé à Paris.
• Paradoxalement, il aurait fallu à Bertrand Delanoë moins de victoires PS dans des villes de France pour sa stratégie de conquête du PS.
*La Côte-d’Or devrait également changer de majorité pour être le cinquième département à basculer et, sixième possible, l’Ain, où la droite régnait sans partage depuis 32 ans, la gauche est théoriquement majoritaire, mais le grand nombre d’élus avec l’étiquette divers-gauche n’assure pas forcément le basculement du conseil général.
Désormais la gauche détiendrait 58 département sur 100 au lieu. Ce résultat ne sera pas sans incidence relativement aux élections sénatoriales de septembre prochain.
Source : Betapolitique