Deux visions du journalisme du début du 20e siècle:
Walter Lippman: «Le journalisme doit être pratiqué par une certaine élite dont le rôle est de révéler à un lectorat passif face à l’actualité les coulisses et les mécanismes des événements.»
John Dewey : «L’homme qui porte les chaussures sait mieux que quiconque là où elles lui font mal, même si l’expert en chaussure est sans doute le mieux placé pour savoir comment résoudre le problème.»
Depuis 80 ans c’est le modèle de Lippman qui a prédominé. Depuis l’arrivée des blogs et des médias sociaux, c’est le modèle de Dewey qui en en train de s’immiscer dans nos vies. Au risque du populisme?
Je note que cette dérive populiste est à l’oeuvre au sein même de la presse co-substantiellement à celle-ci dès ses débuts industriels. Cette dérive n’a donc pas attendu l’arrivée de l’Internet pour se manifester. Il ne faut jamais confondre un discours auto-légitimant d’une profession ou d’un secteur économique avec ses pratiques réelles. De même chaque modèle (ici de journalisme) génère ses exceptions, ses dérives et ses accidents.
Pour autant, si Pierre Fraser (Axon Post) ne sous-estime pas le risque du populisme, il distingue journal et journalisme. Si le contenant (le journal) est au plus mal, rien n’est perdu pour le journalisme pour autant qu’il reste fidèle à un ensemble de pratiques méthodologiques d’analyse de l’information. Il en conclut:
Plusieurs journalistes ont mis en place leurs propres blogs, et il fallait que ça se fasse et que ça continue à se faire. D’autres parts, il y a des bloggers qui se sont forgés une sérieuse réputation à cause de leurs capacités analytiques et argumentatives, peu importe le domaine. En un mot, le journalisme prendra différentes formes, tout simplement.
Pour ce qui est des blogs des gérants d’estrade et de ceux qui épanchent leurs humeurs, ils feront partie intégrante du bruit de fond de la toile, sans plus.
En cela Pierre Fraser montre son attachement, sous une forme renouvelée, à une conception toute «lippmanienne» du journalisme.
Or ce que dit Dewey c’est que l’un va avec l’autre dans une non-hiérarchisation. Il fait confiance à ce que, si le populisme s’exprime, globalement (in fine) c’est l’intelligence collective qui prédominera et non pas celle d’une élite. En ce sens, le journalisme citoyen et la parole libérée forment une école de formation pour la société toute entière tendant à l’émancipation de tout en chacun.
Source: Les blogs sont la forme parfaite de la démocratie, mais ils sont aussi le paroxysme du populisme | Axon Post
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