Cinq semaines après le deuxième tour de la présidentielle française, le premier tour des législatives vient de livrer son verdict. Permettez-moi, à distance, d’apporter ma modeste contribution et de livrer mon analyse en 7 points.
1° 2,2% des voix = 20 à 24 députés – 7,63% des voix = 1 à 4 députés
Rien ne met plus en évidence les effets déformants et destructeurs de la démocratie majoritaire française actuelle.
C’est ainsi que le Nouveau centre, le parti centriste satellite de l’UMP, gagnera en sièges ce que les électeurs centristes ne lui ont pas octroyé en suffrages.
Cruel, injuste, mais trop prévisible pour François Bayrou et son MoDem.
Autre paradoxe pour le MoDem, il perd en sièges alors qu’il gagne en pourcentage par rapport au score de l’UDF au premier tour de 2002 (4,8% des suffrages et 29 sièges au final) ! Qui a dit « jusqu’à la lie » ?
Bayrou paie-t-il une stratégie trop solitaire?
2° Les sondages contre la démocratie ?
40% d’abstentionnistes soit le record de non-participation aux élections législatives françaises.
Parmi les facteurs avancés, les sondages occupent la première place. Leur discours répété à l’envi que les jeux étaient faits et leur pronostic d’un raz-de-marée UMP a incité une grande partie des électeurs à aller à la pêche.
Les effets auto-réalisants des sondages me laissent perplexe et dubitatif. Et depuis de nombreuses années et la lecture de l’ouvrage de Patrick Champagne (1990).Faire l’opinion. Le nouveau jeu politique. Paris : Editions de Minuit.
3° Un triomphe de Nicolas Sarkozy et une volonté affirmée de changement des électeurs français ?
Ecoutons le président Mao et soyons de bons élèves du Président Mao de Liu Wenxi (1965)
Source : Peintures et propagande chinoise
Si le résultat des courses se traduira effectivement par une vague bleue sur le Parlement français, il convient de pondérer néanmoins quelque peu le tableau.
Depuis son élection du mois de mai, Nicolas Sarkozy a attiré l’essentiel des feux des projecteurs sur lui. Son traitement médiatique a été digne des grandes heures des démocraties populaires. Le footing au soleil ou dans les rues de Paris remplaçant en 2007 les bains de Mao dans le Fleuve jaune.
Pour autant de 53% à la Présidentielle, le score de son parti l’UMP se situe en dessous de 40%. Il ne s’agira de ne pas l’oublier quand la répartition en siège donnera 70 à 80% des sièges à l’UMP et à ses partis satellites.
L’engouement des Français pour les réformes proposées par l’UMP et le président Sarkozy est aussi à mesurer au score de ce premier tour. Cela ne fait pas une majorité de Français…
4° L’avènement de la bipolarisation ?
Malgré ses dissensions répercutées à l’envi par les médias, le Parti socialiste français est le seul parti qui résiste quelque peu à la vague de l’UMP. Mis-à-part l’UMP et le Nouveau centre, il serait le seul à disposer également d’un groupe à l’Assemblée nationale. Il est à noter qu’entre 2002 et 2007, le PS reste stable en % des suffrages. Avec 120 à 170 députés, il pourrait conserver un nombre de sièges comparables à sa situation actuelle.
Projection de la nouvelle répartition en sièges
La bipolarisation à l’américaine de la vie politique française serait ainsi en marche. Mais est-ce que les Français la souhaitent vraiment ?
5° La tentation du parti unique
J’écoutais hier soir François Coppé sur France 2 et sa curieuse conception de la démocratie.
Il appelait les « bons » de la gauche et du centre à rejoindre la majorité présidentielle. L’opposition intégrant ainsi directement cette dernière.
Plus besoin de Parlement au final.
Comme aux plus «belles» heures des Démocraties populaires et du Parti unique…
6° La rue : le lieu de l’opposition ?
Une majorité hypertrophiée comparativement à son poids réels (70-80% comparativement à 42-43% de
s voix). Une minorité incarnée par le PS qui seul résiste tout en étant miné par ses conflits internes. 30% de la représentation nationale quasi éjectée du parlement. Tout ceci pourrait aussi signifier que la résistance à la politique sarkozienne pourrait un jour ou l’autre s’incarner dans la rue en l’absence d’autres lieux de débats/négociations et de contre-pouvoirs.
Quel rôle pourront en outre incarner les régions en majorité en mains de la gauche et des socialistes en particuliers? Ces résultats éclairent aussi d’un jour nouveau le choix effectué par Ségolène Royal de rester à la tête de sa région plutôt que de concourir pour un siège à l’Assemblée nationale.
7° La fin des triangulaire = disparition du Front national ?
Seule excellente nouvelle du jour, le Front national, enfin, confirme sa plongée amorcée lors de la présidentielle. Siphonnées par Nicolas Sarkozy dès le 22 avril, les voix frontistes se sont directement portées sur les candidats de l’UMP le 10 juin. Le FN a perdu son pouvoir de nuisance : jouer les arbitres en provoquant des triangulaires. Avec 4,6 7 % des suffrages, MNR compris, soit deux fois moins que le score de Jean-Marie Le Pen à la présidentielle, le FN est à son plus bas niveau depuis vingt ans (il avait rassemblé 0,36 % des voix en 1981, mais 9,66 % en 1988).
Laisser un commentaire