Bon faut-il alors de suite fermer ce blog, partir à la pêche, prendre des cours de yoga, postuler pour le poste de Jean-Jacques Deschenaux? J‘entends déjà quelques rires moqueurs : «tu ferais mieux de battre le pavé des stands, de fréquenter les arrières-salles de bistrot pour aller à la rencontre des citoyen-ne-s électeurs/trices.» Comme si je ne le faisait pas aussi, non mais, et comme si on y rencontrait beaucoup plus de monde intéressé à la politique dans ces lieux-là !

Essayons maintenant d’être un peu plus sérieux dans la démarche et l’analyse que la dépêche de l’ATS. Il nous faut décortiquer d’abord les informations qu’elle contenait :
1° elle s’appuyait sur un sondage Univox relativement aux comportements des consommateurs de médias. Le sondage a été effectué en septembre 2006 auprès de 705 personnes, dont un quart en Suisse romande. La marge d’erreur atteint +/- 3,8 %.
→ 33% des sondés au total recherchent une fois où l’autre des informations politiques sur l’Internet, 50% des surfeurs cherchent donc de l’information politique sur internet.
4° Jusqu’en 2002, près de 40% des personnes interrogées qualifiaient leur intérêt pour les affaires politiques traitées dans les médias comme fort à très fort. En 2006, ils n’étaient plus que 26%
→ intérêt fort à très fort, la dépêche ne donne qu’une partie des informations; en recherchant sur le net, j’ai trouvé quelques tableaux (format .pdf) issus du sondage et ils nous apprennent que c’est un peu plus de 50% des sondés qui ont de l’intérêt pour les affaires politiques traitées dans les médias;
5° Parmi les thèmes traités par les médias, la santé est celui qui suscite le plus grand intérêt (75%), devant l’actualité locale et régionale (62%), puis le sport (54%). L’actualité politique (26%) et économique (21%) vient loin derrière.
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moitié des sondés utilisant internet recherchent au moins une fois par semaine des informations politiques sur internet. Ce pourcentage de 50% est déjà en lui-même élevé.
→ il est donc difficile, voire impossible de conclure que les «sondés-surfeurs» s’intéresseraient moins à la politique que les autres sondés. Cela pourrait même être le contraire par rapport au reste des sondés qui ne surfent pas, mais s’informent quand même via les médias non électroniques.
→ il aurait été surprenant que les sondés s’informent plus sur la politique que sur le sport ou l’actualité locale
→ certains sujets ne sont pas forcément corrélés avec «politique» par les sondés alors qu’ils le sont d’une manière ou d’une autre (exemple le plus flagrant : la santé)
Première conclusion:
Il est des plus abusifs de centrer sur le désintérêt des internautes relativement à l’information politique, sous-entendu via l’Internet. S’il y a moins de gens qui s’intéressent à l’information politique (ce qui est encore autre chose que la politique en elle-même), le phénomène est global et pas centré uniquement sur l’internet.
Il est aussi certainement abusif de généraliser les habitudes d’information de la population suisse à partir d’un sondage touchant 705 personnes (ce qui est déjà un joli sondage en soi).
Deuxième conclusion:
Quelque soit les chiffres avancés, et indépendamment du fait que ce n’est pas le même échantillon qui a été sondé en 2002 et en 2006 (dommage…), le rôle de l’internet comme moyen d’information va croissant. Il reste très en deça de la TV et des quotidiens, mais il est en progression constante. C’est un moyen d’information émergeant.
Il est probable aussi que pour certaines tranches d’âge et certaines catégories socio-économiques, l’internet soit privilégié comme moyen d’informations parmi les autres. Il est possible que pour cette tranche d’âge, l’enjeu d’une appropriation de l’outil internet soit fondamental pour les formations et le personnel politiques si ils et elles veulent faire passer leur message, convaincre ces citoyens-surfeurs. D’ores et déjà. Le monde politique ne peut pas faire, à tous les étages de la politique suisse, l’impasse sur ce média.
Questionnement:
Moyen d’information d’accord, mais quand est-il des vecteurs de formation de l’opinion? qu’est-ce qui est susceptible de faire basculer une opinion, un choix d’un vote ou d’une personne? L’enquête reste muette à ce sujet.
Pistes :
Ces derniers jours, il est apparu dans la campagne présidentielle française –pour le meilleur et pour le pire, mais c’est une autre histoire– que l’internet jouait un rôle fondamental dans le lancement des questions occupant ensuite l’agenda politique de cette campagne. Effet de mode ou tendance lourde, l’avenir nous l’apprendra plus précisément. J’ai déjà eu l’occasion d’aborder la question dans un billet tout récent (Politique en réseau : la révolution médiatique). La croissance des blogs de journaux aux Etats-Unis est aussi une indication forte de l’évolution que la presse écrite connaît actuellement (voir le billet de Jean-Pierre Cloutier). L’internet va devenir un lieu incontournable de la consommation d’information politique ou non.
Bon dimanche !
PS (mais aussi POP, Verts, Radical, Libéral, PDC) : ce billet repousse quelque peu la rédaction des billets promis sur les sites électoraux régionaux. Mais ça vient, n’ayez crainte ou plutôt si peut-être.
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